@Chapoutier
Vous vous engluez vous-même dans une soupe idéologique où la logique a complètement disparu. Sans doute, il ne se produit rien dans ce monde qui n’ait des causes, mais comme le monde est un système complexe, et qui relève de cette physique du chaos qu’on a vu naître dans les vingt dernières années du siècle passé, et non pas d’un déterminisme laplacien rudimentaire, il est extrêmement difficile de démêler la cause de ce qui survient, et de régresser à l’infini sur les causes de la cause. Quelles étaient les causes de la révolution française ? De la guerre de 14-18 ? les historiens n’ont cessé de s’interroger là-dessus, apportant des explications souvent assez divergentes et en tout cas plus complexes que celles, très simplifiées, que me servaient au lycée mes manuels d’histoire.
Si l’empire ottoman, après la bataille une bataille de Lépante, en 1571, qui marquait une incontestable supériorité militaire des occidentaux, ne s’était pas encroûté progressivement dans un système administratif fossilisé et dans une sclérose intellectuelle qui devait y interdire l’utilisation de l’imprimerie jusqu’au début du XIXe siècle, la Turquie de l’empire ottoman ne serait pas devenue à l’époque moderne « l’homme malade de l’Europe » et l’alliée de l’Allemagne durant la grande guerre. Partant, il n’y aurait jamais eu à redessiner les frontières de la région. Le traité de Sèvres de 1920 prévoyait un état pour les Kurdes, mais après l’action énergique de Mustafa Kemal, au traité de Lausanne de 1923, un nouveau découpage, celui qui aura finalement perduré, se révèlera des plus calamiteux. Sans ces difficultés générées par l’histoire, il n’y aurait peut-être jamais eu l’intervention américaine en Irak. Bien malin en tout cas qui serait capable de l’affirmer, ou le contraire.
Le principe de causalité que vous invoquez dans cet article n’est propre à convaincre que de parfaits imbéciles. Il s’applique dans l’immédiat : quand on envoie un missile sur un pays voisin, quand on affame des populations, on sait qui est directement responsable. Quand on passe aux causes des conflits entre états et à la succession des régimes politiques, ça devient carrément métaphysique et ça n’a pas plus de sens que la vie elle-même, laquelle serait, selon Shakespeare, une histoire pleine de bruit et de fureur, racontée par un idiot, et qui n’a pas de sens.