Excellent article, avec à
la fois une volonté de synthèse et d’approche humaniste non
matérialiste. Elle éclaire bien le projet trans-humaniste et montre
qu’à la convergence pointée doit répondre une autre convergence,
dont l’absence nourrit sans doute la première : quelles sont
les raisons profondes de ce mouvement ? Sur quelles démission
s’assoit-il et pourquoi ? Pourquoi l’humanisme chrétien, par
exemple, n’est-il pas parvenu à éviter la démesure qui vient ?
Cet humanisme n’a t-il pas trahi ses principes en collaborant
passivement ou activement avec la mystique techniciste qui cherche,
maintenant, à le remplacer « royalement » dans les
têtes ?
Vous citez Bernanos avec
justesse, mais de son vivant et aujourd’hui encore, quel humanisme
chrétien pour continuer son combat solitaire et désespéré ?
Alors qu’il en va tout simplement de l’honneur humain, et non plus
d’une orientation religieuse ou même philosophique, ou de la dignité
de l’humain si l’on préfère. On dirait qu’il faudrait se replier
purement et simplement sur une religion et ses préceptes pour faire
face au monstre post-mécanique qui se lève, alors qu’un Bernanos se
battit à mort au « simple » niveau humain, avec un stylo
et des cahiers d’écolier, mais avec des arguments de sens,
d’expérience, de cœur et de raison de poids.
Nous sommes tous
responsable dans notre attitude face à la technique, que nous ne
savons ni lire ni tenir à sa place. Nous faisons nos choix à chaque
instant dans la honte discrète de notre qualité humaine en voie de
remplacement « pratique », facile, automatisée et
démissionnaire. La spiritualité, via le new-âge, le développement
personnel ou l’économie positive (…) n’y échappera pas. Mais qui
ose en parler en s’engageant à fond ?
Ce qui monte est un
nouvel intégrisme, un néo-fascisme planétaire : qui est là
pour répondre à ses slogans, à la peur ? Nous sommes en
guerre civile froide : la résistance n’est pas dans les mots,
elle est dans des paroles de vérité, quel que soit le prix à
payer. Alors il faut aller plus loin et parler de soi, de ce paquet
de peur, de honte et de nihilisme que nous sommes devenus – et
qu’on nous pousse sournoisement à devenir – sous prétexte de
droits et de libertés (…).
Et passer par le refus
clair et dangereux de ce moi-là, modifié, remplacé ou pas.
Personne ne peut nous obliger à être ce que nous ne sommes pas,
mais nous ne le savons plus depuis un peu trop longtemps :
Bernanos avait « fait » la Grande Guerre, il avait vu le
futur de si près que son combat, totalement spirituel, le mena à
partir de cette vérité vers toutes les autres, pourtant il parla
relativement peu de cette guerre, qui continuait à sa façon dans
tout le reste, et qu’il ne laissa jamais passer.
Bernanos ne parla jamais
en tant qu’homme supérieur mais en tant qu’homme ordinaire, au
niveau de qui il se mit volontairement en permanence, comme pour lui
montrer qu’il suffisait « d’en avoir » quand on sait
d’expérience ce que croire veut dire de ce qu’on a vu et qu’on ne
veut plus voir. N’en aurions nous pas vu assez encore ? Inutile
de parler du mal si l’on n’est pas prêt à mourir – mais nous
voulons tous vivre, vivre encore, mais quoi ? Un au delà
nouveau ! Un au delà de quoi ? Savons nous-bien qui nous
étions ?
Qui nous humilie et
comment ? Par quelle faiblesse inavouable nous tient-t-on ?
Est-il si difficile de se voir en face, réduits à nos si
existentielles misères ? Mais qui ose encore parler, chez lui,
au boulot, dans la rue, n’importe où ? Qui nous fait taire et
comment, et pour nous faire avaler quoi ? Et nous serions
innocents ? Nous sommes directement responsables du scandale qui
vient, nous en sommes le cœur pourri. Par qui et par quoi ?
Parlez Nom de Dieu ! Mais vous ne le ferez pas, vous resterez
pensifs, comme le noyé rimbaldien. Le combat commence et finit là,
comme toujours.