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Commentaire de Christian Labrune

sur S'évader par la lecture


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Christian Labrune Christian Labrune 3 septembre 2014 14:34

@Siatom
Je sens que je ne vais pas tarder à lire les oeuvres complètes d’Anne Bragance. Les trente volumes qu’elle aurait déjà publiés devraient me permettre de bénéficier d’une réduction de peine de quatre mois. Je n’ai encore jamais rien volé, pas même un oeuf, mais si je volais dans une librairie trente volumes de ce génial auteur, j’en prendrais pour combien de temps ? S’il faut en juger par la bénignité de sa complice Garde des Sceaux, je devrais en écoper pour un mois, peut-être moins. iI me resterait donc encore un crédit de trois mois avant la première incarcération. Le lendemain, j’irais donc m’emparer chez Vrin de quelques-uns de ces précieux volumes de philosophie qui me coûtent toujours la peau des fesses.
Mais, j’y pense : tous les livres se valent-ils ? Ont-ils tous la même fonction rédemptrice ? Je veux bien croire que la lecture d’Aristote, de Corneille ou de Descartes puisse induire à devenir honnête homme, mais pour « Les prospérités du vice » du divin Marquis, le Coran, Mein Kampf ou les oeuvres complètes du bon docteur Destouches, c’est quant même une tout autre affaire !

Il reste que cette association paradoxale entre les plaisirs de la lecture et l’emprisonnement n’est pas chose si nouvelle ; la bonne Anna Bragance n’a donc pas lieu de crier « Eurêka ! ». Dans le second volume des Amours, Ronsard rêve, à défaut de mieux (Cassandre n’est pas là), d’être condamné à lire dans sa cellule durant trois jours entiers.

Je veus lire en trois jours l’Iliade d’Homere,
Et pour-ce, Corydon, ferme bien l’huis sur moy.
Si rien me vient troubler, je t’asseure ma foy
Tu sentiras combien pesante est ma colere.

Je ne veus seulement que nostre chambriere
Vienne faire mon lit, ton compagnon, ny toy,
Je veus trois jours entiers demeurer à requoy,
Pour follastrer apres une sepmaine entiere.

Mais si quelqu’un venoit de la part de Cassandre,
Ouvre lui tost la porte, et ne le fais attendre,
Soudain entre en ma chambre, et me vien accoustrer.

Je veus tant seulement à luy seul me monstrer :
Au reste, si un Dieu vouloit pour moy descendre
Du ciel, ferme la porte, et ne le laisse entrer.

 


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