S’évader par la lecture

Anne Bragance est une écrivaine prolifique qui a déjà publié plus d'une trentaine de livres dont je confesse humblement en même temps que mon inculture, n'avoir jamais rien lu.
Cet été plutôt pluvieux a été propice à la lecture des magazines et au vagabondage sur le net, je suis donc tombé sur ce témoignage touchant d'une auteure en proie à l'angoisse de la page blanche.
Contrairement à l'estivant moyen désœuvré qui allume son téléviseur et sirote sa bière devant le spectacle de cht'is, de marseillais ou d'anges de la téléréalité, pour parfaire sa culture générale et sa maitrise du Français, Anne, elle, pourtant si peu téléspectatrice qu'elle soit, mais en panne d'inspiration, se branche sur Arte.
Et là, pour reprendre ses termes, c'est le ravissement total, l'exaltation quasi mystique, la félicité de Bernadette Soubirous devant l'apparition de la vierge, la petite lucarne devenant la grotte des temps modernes, elle visionne un documentaire sur la prison de Catanduvas, au Brésil, où l'on propose aux détenus depuis 2009 la rédemption par la lecture.
La méthode est simple, un livre lu par mois , plus un résumé succinct, c'est quatre jours de remise de peine et comme elle sait compter, elle nous explique qu'au bout d'un an, il aura économisé quarante huit jours de peine, et pour celui qui a pris 30 piges, quatre années lui tomberont dans l'escarcelle s'il ne s'est malencontreusement pas fait trucider par un codétenu rétif à la lecture. .
Bien sur, comme le dirait la Madone du Poitou, c'est un système gagnant-gagnant, la prison est calme, l'atmosphère y est aussi sereine qu'au Couvent des oiseaux et les détenus qui lisent prennent conscience de leurs crimes. A cette nuance prés, notre femmes de lettres ne nous dit pas ce qui est prévu pour les détenus analphabètes privés d'évasion par la lecture et de rédemption.
Anne est aux anges mais il lui faut en parler immédiatement au seigneur des écrous Christiane Taubira a qui elle demande une audience et qu'elle finit par rencontrer inopinément après avoir échangé avec un conseiller pénitentiaire, qui craignant sans doute une surdité naissante, lui répétera trois fois, nous dit -elle enthousiaste « Nous avons besoin de personnalités telles que vous pour nous aider. »
La garde des sceaux qui parfois s'embrouille avec les documents qu'elle présente aux journalistes lui apparait telle qu'elle l'imaginait, chaleureuse, souriante, humaine, un halo d'une lumineuse bonté nimbant son doux visage que ne vient même pas assombrir le port d'un casque cycliste d'inspiration vaguement teutonne.
Notre romancière peut reprendre son train pour Avignon le cœur en fête, un amendement inclus dans la réforme pénale prévoit que les détenus acceptant de participer à des activités culturelles, notamment de lecture, pourront prétendre à des réductions supplémentaires de peine.
Celui ci sera présenté et finalement voté , Anne exulte et nous prévient " Maintenant, il me reste à soumettre mes suggestions au cabinet du ministère et, croyez moi, je m'y emploie".
Qu'il me soit permis d'apporter ma pierre à l'édifice, ne pourrait-on pas dès que nous sommes en capacité de lire, se voir attribuer un compte ''remise de peines'' qui nous permettrait de faire quelques entorses à la loi sans risquer la case prison.
Ainsi pour reprendre l'exemple cité plus haut un adulte de 40 ans bénéficierait de quatres années de réduction de peine avec possibilite de cession onéreuse à des tiers necessiteux s'il n'en a pas l'usage.
Pour ma part, j'envisage de lire toute l'oeuvre d'Anne Bragance, ce qui devrait m'octroyer quatre mois de remises gracieuses, une sorte d'a-valoir sur un éventuel délit qu'il me reste à commettre.
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