Visiter le passé pour mieux construire le présent
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« Toutes les cultures sont liées les unes aux autres ; nulle n’est
unique et pure, toutes sont hybrides, hétérogènes, extraordinairement
différenciées et non monolithiques. » Edward Saïd, Culture et impérialisme.
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Vers le milieu des années soixante, le quotidien israélien, Yedioth
Aharonoth, publia une anthologie comportant six traités de la
philosophie et de la littérature hébraïque andalouse sous le titre « Trésor de la pensée juive »
. Le journal israélien n’a pas exagéré en considérant ces œuvres comme
le trésor le plus abouti de la pensée juive car effectivement c’est en
terre d’Andalousie que « l’histoire juive a connu sa période la plus
florissante celle qui exerça une influence exceptionnelle sur la
destinée des juifs et du judaïsme » [4].
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Le moyen-âge dans l’inconscient occidental est synonyme d’ignorance,
de fanatisme et de barbarie ; pourtant en cette même période, une
admirable civilisation unique en son genre rayonnait en péninsule
Ibérique et en orient musulman. En Andalousie, des musulmans, des juifs
et des chrétiens ont inventé le métissage et la tolérance « les
Ibériques, les Celtes, les romains et les wisigoths ne furent jamais
espagnols ; alors que, tout au contraire, musulmans et juifs ont, dès le
Xème siècle, forgé avec les chrétiens la très riche civilisation
moderne de l’Espagne, et son identité unique en Europe » démontre l’historien Américo Castro. Un Andalou « n’est
pas un Arabe pur ; il est arabe et quelque chose de plus que les
psychologues et les sociologues cherchent ailleurs et bien loin, chez
les Indiens, les Grecs, les Chinois et les Turcs quand ils l’ont là,
sous la main, sous les yeux ; l’Hispano-musulman est un amalgame
d’Arabe et d’Ibère, de Wisigoth et de Berbère, de Persan et de Slave ;
c’est une conjonction heureuse de sémite et d’aryen » (H. Pèrès)[3].
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Ces Andalous aux origines diverses autochtones ou immigrées et aux
langues et aux religions différentes ont produit une société où la
tolérance l’a emporté sur le fanatisme et où l’interpénétration
culturelle a permis la réalisation d’une civilisation riche et métissée à
nulle autre pareille.
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Dans l’Espagne musulmane, les juifs qui, sous le règne Wisigoth,
avaient un statut proche de l’esclavage, furent promus au rang de peuple
du livre (de même que les chrétiens) ; un statut qui leur garantissait
la liberté de culte et le droit de prendre part librement à la vie
politique et culturelle. Les juifs andalous n’eurent pas besoin de
s’assimiler ou de renier leur identité comme ce fut ce cas des juifs
allemands de la fin du XIXe siècle ou des juifs américains de la seconde
moitié du XXe siècle pour s’engager dans la vie civile. Ils se
considéraient comme andalous et cordouans à part entière, une
appartenance qui n’était en aucun cas en conflit avec leur judaïté
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http://www.netmulot.net/spip.php?article4363