Le profil des auteurs des attentats de Paris l’a montré : comme Mehdi Nemmouche, le tueur présumé du Musée juif à Bruxelles, Amedy Coulibaly et Chérif Kouachi, le cadet des frères, se sont radicalisés dans les prisons françaises, considérées comme des pépinières de jihadistes.

Qu’en est-il en Belgique ? Lundi, le ministre de la Justice, Koen Geens (CD&V), indiquait son intention d’organiser « une répartition judicieuse » des détenus dans les diverses prisons du pays en fonction du risque de radicalisation qu’ils présentent. La lutte contre ce phénomène, notamment dans les établissements pénitentiaires, figure en bonne place sur la feuille de route du gouvernement Michel. « Nous constatons que certaines personnes sortent de prison radicalisées ou converties à la religion, alors qu’elles y étaient entrées laïques ou non radicales », a commenté M. Geens dans plusieurs médias flamands. « Nous devons veiller à ce que ces meneurs ne fréquentent pas d’autres jeunes. »

Cette gestion des détenus radicaux ne devrait pas être trop compliquée, ajoutait le ministre. Actuellement, en tout cas. Selon nos informations, entre 30 et 40 intégristes, terroristes avérés (une dizaine de condamnés) ou en puissance (des présumés islamistes en détention préventive) seraient incarcérés dans les prisons belges. Soit un nombre tout à fait « raisonnable » - on s’entend - de radicaux à ventiler dans la trentaine de prisons du pays. La situation serait « plus ou moins sous contrôle », nous dit-on.

N’empêche, la prison, milieu clos, joue un rôle d’incubateur du radicalisme, même si les prosélytes du jihad y sont en isolement. « La seule présence de radicaux derrière les murs peut suffire à poser problème », ajoute un fin connaisseur du milieu. « Certains bénéficient d’une aura incroyable auprès de certains détenus, des jeunes surtout, qui les voient comme des héros. »

Milieu propice

La perspective de retour de plusieurs dizaines (?) de jeunes Belges partis combattre en Syrie et en Irak pourrait compliquer la donne. Une réflexion avait déjà été lancée sous le gouvernement Di Rupo, qui a privilégié une approche individualisée face à deux types de détenus problématiques : ceux qui pratiquent le prosélytisme pour en entraîner d’autres dans leur folie et ceux qui se radicalisent derrière les barreaux - les suiveurs.

« La prison est un milieu propice à la radicalisation », nous indique un expert. « On y trouve une population fragilisée et déboussolée sans doute plus à même d’être à l’écoute de discours radicaux. »

C’est un fait ; quand on entre en prison, on perd tout contact avec son tissu social, le monde du travail ou de l’école - en bref, avec la réalité extérieure. Du coup, on « fraternise » derrière les barreaux, avec des gens pas forcément recommandables. Seule évasion possible, derrière les murs : la drogue, un vrai fléau, et la religion. Le fait religieux et la fréquentation des lieux de culte - le constat vaut pour tous - sont nettement plus importants qu’à l’extérieur. Pour des détenus bouclés 22 heures sur 24, c’est un moyen très pragmatique de sortir de cellule…

Renforcer l’aumônerie

Le ministre Geens veut aussi davantage faire collaborer les aumôniers islamiques qui travaillent en prison. Ils sont 24, dont 14 francophones (soit 18 équivalents temps plein) officiellement en fonction dans les prisons belges. L’aumônerie musulmane a été institutionnalisée en 2007 : les conseillers, dont le profil est passé au crible de la Sûreté de l’Etat et de l’Exécutif des musulmans de Belgique, sont depuis lors rémunérés par l’Etat. Il faudrait augmenter leur nombre « dans les limites budgétaires disponibles », avance Koen Geens.