"Le 12 juillet dernier,
la Cour de cassation a annulé le jugement de la Cour d’appel de
Versailles, rendu en mai 2005, qui condamnait Edgar Morin pour « diffamation raciale » dans l’une de ses tribunes. Ce texte intitulé « Israël-Palestine : le cancer », publié avec Sami Naïr et Danièle Sallenave dans Le Monde
du 4 juin 2002, avait valu à ses auteurs des poursuites engagées par
les associations France-Israël et Avocats sans frontières (déjà à
l’origine du procès – perdu – contre Daniel Mermet pour « antisémitisme » en 2002).
Deux passages étaient incriminés : « On
a peine à imaginer qu’une nation de fugitifs, issue du peuple le plus
longtemps persécuté dans l’histoire de, ayant subi les pires
humiliations et le pire mépris, soit capable de se transformer en deux
générations en « peuple dominateur et sûr de lui » et, à l’exception
d’une admirable minorité, en peuple méprisant ayant satisfaction à
humilier », écrivaient les auteurs, ajoutant : « Les
juifs d’Israël, descendants des victimes d’un apartheid nommé ghetto,
ghettoïsent les Palestiniens. Les juifs, qui furent humiliés, méprisés,
persécutés, humilient, méprisent, persécutent les Palestiniens. »
En mai 2004, le tribunal de Nanterre avait débouté les plaignants.
Mais un an plus tard, la cour d’appel de Versailles avait infirmé ce
premier jugement, et considéré que l’article était bel et bien
diffamatoire, car il « imputait à l’ensemble des juifs d’Israël le fait précis d’humilier les Palestiniens ».
Dans son arrêt rendu la semaine dernière, la Cour de cassation estime au contraire que « les
propos poursuivis, isolés au sein d’un article critiquant la politique
menée par le gouvernement d’Israël à l’égard des Palestiniens,
n’imputent aucun fait précis de nature à porter atteinte à l’honneur ou à
la considération de la communauté juive dans son ensemble en raison de
son appartenance à une nation ou à une religion, mais sont l’expression
d’une opinion qui relève du seul débat d’idées ».
Elle juge également que la cour d’appel de Versailles a violé la loi
sur la presse du 29 juillet 1881, ainsi que l’article 10 de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme sur la liberté
d’expression."
Le Monde diplo du 20 juillet 2006