« Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut
pas s’y prendre de manière violente. Il suffit de créer un conditionnement
collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à
l’esprit des autres. L’idéal serait de formater les individus dès la naissance
en limitant leurs aptitudes biologiques innées.
Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de
manière
drastique l’éducation, pour la ramener à une forme
d’insertion professionnelle.
Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limitée, et
plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se
révolter.
Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de
plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et
la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout
contenu à caractère subversif.
Surtout pas de philosophie. Là encore il faut user de
persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la
télévision, des informations et des divertissements flattant toujours
l’émotionnel ou l’instinctif.
On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique.
Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de
penser.
On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains.
Comme tranquillisant sociale, il n’y a rien de mieux.
En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de
l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée,
d’entretenir une constante apologie de la légèreté : de sorte que l’euphorie de
la publicité devienne le standard du bonheur humain est le modèle de la
liberté. «
Aldous Huxley
Le meilleur des Mondes