Rita,
Nous pouvons juger assez sereinement les horreurs du passé : nous ne saurions en être tenus pour responsables d’événements qui se sont produits à une époque où nous n’existions pas. Je ne suis pas plus responsable des atrocités commises par les croisés, et qu’un Amin Maalouf décrit très bien en adoptant délibérément le point de vue des Arabes, qu’un « musulman » contemporain ne peut être tenu pour responsable des injonctions criminelles dont regorgent des textes théologico-politiques fabriqués entre le VIIe et le Xe siècle.
S’il y a un progrès des idées et de la civilisation, depuis l’époque des lumières, c’est bien celui qui a consisté à faire prévaloir la tolérance sur la violence fanatique et les principes démocratiques sur toutes les formes du gouvernement tyrannique. En ce sens, il est de notre responsabilité, pendant tout le temps où nous existerons dans ce monde, d’en réinventer les règle de fonctionnement selon les principes de la rationalité et de la justice. Si l’histoire nous offre des modèles, ils sont surtout de ceux qu’il importe de ne pas imiter : les massacres des siècles passés ne sauraient justifier ni même expliquer qu’on égorge par exemple aujourd’hui en Libye vingt-et-un malheureux dont le seul crime était d’appartenir à la plus ancienne communauté religieuse de l’Egypte. Si c’est l’islam qui induit encore ces comportements préhistoriques, et tout aussi bien la haine antisémite dans nos banlieues, quand on est musulman, cette forme d’islam est à condamner radicalement.
L’ambition d’un islam actuel incarné par l’EI mais tout aussi bien par les Frères musulmans et bon nombre de fanatiques politisés du salafisme, c’est d’organiser une sorte de Saint-Barthélémy à l’échelle des continents. Le christianisme a connu cela aussi, certes, mais c’était en 1572, c’est-à-dire il y a près de cinq siècles. Ce à quoi nous sommes en train d’assister, ce n’est même pas à une guerre des civilisations - l’EI, ce n’est que la barbarie portée à son paroxysme -, c’est à une guerre entre deux époques du monde : le haut moyen-âge contre les temps modernes. C’est un combat qui risque de durer encore quelques années mais il est perdu d’avance. Un islam qui aura rivalisé dans l’horreur avec les pires systèmes totalitaires du siècle passé n’y survivra pas et laissera dans l’histoire le même souvenir que le nazisme. Si les musulmans, au lieu de continuer à aiguiser leurs haines et leurs éternels ressentiments s’employaient au plus vite à limiter la casse en se désolidarisant de dérives particulièrement abjectes, ça ne serait pas plus mal, ça éviterait bien d’autres massacres prévisibles. C’est ce que voient très clairement quelques intellectuels tels que Rachid Benzine ou Abdennour Bidar. Malheureusement, ils prêchent encore dans le désert.