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Commentaire de C’est Nabum

sur Livre Inter


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C'est Nabum C’est Nabum 6 mars 2015 13:27

@vesjem

Les livres qui ont changé ma vie …

Ma petite librairie.


François Busnel, le présentateur de la Grande Librairie sur France 5 propose à ses téléspectateurs d’écrire un texte pour évoquer le livre qui a changé leur vie. Je serais bien en peine de tirer un seul ouvrage de cette longue liste de coups de cœur, qui, les uns après les autres, ont modifié mon regard, ma compréhension du monde, mon rapport aux autres, ma sensibilité.


Il y a même une certaine prétention à croire qu’un seul livre puisse ainsi vous transformer. Le piège est grand, du reste, de proposer alors un ouvrage référencé, un grand auteur ou bien un document qui en son temps a fait scandale ou bien sensation. Bien au contraire, notre rapport au livre s’est construit patiemment, il a été fait de petits cailloux qui ont semé des poussières d’étoile.


Tout a commencé pour moi par un petit livre marron, à la pauvre reliure et aux pages jaunies. Il était question d’un petit rat qui vivait parmi des lutins, personnages filiformes et mystérieux. Combien de fois ai-je pu lire cette histoire dont curieusement aujourd’hui, je n’ai le souvenir que d’une illustration et la vision de l’ouvrage ? Autant que m’imposait alors le manque de livres à la maison.


Puis il y a eu mon premier roman. La bibliothèque verte, et un étalon noir qui prenait le chemin de l’Amérique à bord d’un cargo. J’entrais ainsi dans le romanesque ; je palpitais aux aventures du jeune garçon et de son cheval, je pénétrais à l’intérieur du livre. Le précédent m’avait ouvert les portes de l’imaginaire, celui-la transformait la vie réelle en espace de rêverie.


L’aventure avec le livre eut alors un curieux passage pour moi. J’ai dévoré la collection « J’ai Lu » et notamment les livres de guerre. Allez-donc savoir pourquoi Le Grand Cirque de Klausterman m’avait ainsi poussé à vouloir en savoir plus. Je lui dois ce désir de vouloir comprendre les humains embarqués par des aventures qui les dépassent et parfois les transcendent. Beaucoup d’autres témoins ainsi, me racontèrent leur épopée ou bien leur misère dans la grande tourmente.


Il y eut encore la rencontre d’un auteur. Maurice Genevoix m’est arrivé comme un coup de poing au ventre avec ceux de quatorze. Il a changé ma vie, je crois, en profondeur. Tout d’abord avec une fascination immense pour cette boucherie absurde, cette guerre de l’inhumanité, ce choc sans précédent, cette saignée monstrueuse dans les campagnes françaises. Jamais je ne passe devant un monument aux morts sans aller lire cette interminable liste des hommes disparus au front.


Puis il y a eu l’auteur naturaliste. La passion de la Loire et de La Sologne. L’amour des belles histoires, des aventures de gens simples dans une langue merveilleuse. Le conteur que j’essaie de devenir s’est nourri de cette littérature. La proximité géographique a sans doute permis cet amour pour un presque voisin, homme qui m’a beaucoup influencé, tout comme mon autre voisin, Louis Martin, avec ses petits fascicules historiques et surtout celui sur la Marine de Loire dont j’ai, hélas, perdu mon unique exemplaire.


Les grands auteurs ne furent pas en reste mais je dois d’abord tirer un coup de chapeau à un livre qui ne restera pas dans les mémoires et qui pourtant fut pour moi une révélation : « Clochemerle ». J’y ai découvert l’humour et la dérision, l’art de se moquer gentiment de ses contemporains, de regarder leur vie au travers d’un prisme déformant. L’ironie perce à chaque ligne, les portraits sont de l’acide ou du vitriol, ce qui, au final, ne laisse aucune trace puisque tout cela n’est que fiction. C’est pousser la caricature, tordre le réel pour faire sourire de soi et des autres.


« Clochemerle » m’a préparé à Hugo, mon grand compagnon dont j’ai lu les romans, à Céline, personnage épouvantable mais maître de la la plume, aux auteurs russes qui m’ont embarqué dans de grandes aventures. Je me souviens d’un été passé avec « Guerre et Paix », lecture parfaitement saugrenue en cette période de l’année. Qu’importe, le livre vaut bien quelques discordance de ce genre !


Ensuite, les auteurs anglo-saxons sont venus m’imposer leur formidable souffle romanesque. Ils ont tout balayé avec des récits qui vous poussent à toujours lire plus loin et souvent plus vite. Je ne suis pas entré dans le monde policier ni celui de la science fiction : Irving, Auster, Coe pour ne citer qu’eux, me donnaient ce que je cherchais.


Le livre c’est encore l’achat compulsif. Je ne peux lire que si je possède l’objet. Je sais la stupidité d’une telle manie, d’autant qu’ensuite je le prête pour souvent ne plus le revoir. C’est ainsi, et j’ai toujours fréquenté exclusivement le rayon livres de poche pour assumer cette fantaisie.


Alors, prétendre qu’un seul livre a changé ma vie, je ne puis. Tous les livres ont contribué à me façonner, à me sculpter. Il a fallu une longue gestation pour qu’enfin j’ose l’écriture, que je me lance moi aussi dans une aventure qui me fascinait. J’ai toujours repoussé l’idée de publier mes écrits, préférant la toile pour ma prose maladroite. Pourtant un couple d’amis a fini par me forcer la main pour éditer mes Bonimenteries. Je doute qu’un jour un lecteur raconte qu’elles ont changé sa vie ; puissent-elles simplement avoir enchanté quelques soirées.


Maintenant, j’écris chaque jour pour ne pas oublier tous ces livres qui m’ont été accordés, pour ne pas oublier que vivre est un cadeau, que s’il est bon de rêver sa vie, il est encore plus authentique de la faire partager en quelques instants offerts aux autres. Écrire pour que le regard des autres soit modifié parfois par quelques phrases semées ici. Je ne suis qu’un souffleur de vent, je ne suis qu’un marchand de sable et de songe. Ce sont les livres que j’ai lus qui m’ont fait ainsi.


Livresquement vôtre.



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