A plus de 50 ans, j’aborde tout juste l’enseignement, passant de l’expérience d’un parent d’élève très en colère à celle d’un enseignant très en colère :)).
Je suis tout à fait d’accord avec le constat sur les moyens et la vraie situation de retard en France, de ce point de vue, si on compare avec les autres pays européens.
Ce qu’on ne dit soigneusement pas non plus concerne la charge de travail des enseignants : toutes les nouvelles mesures, la mise en place, l’organisation, se traduisent depuis pas mal de temps ( désolée je ne suis pas assez vieille dans le métier pour savoir précisément et je réagis « à l’arrache » ) par un alourdissement de la charge de travail.
Et qu’on ne vienne pas me dire que les enseignants ne foutent rien. La plupart d’entre eux - sauf ceux qui ont abandonnés, nous sommes d’accord, mais de l’intérieur, on peut comprendre ! - bossent le week-end et pendant leurs vacances, parce que c’est la seule solution pour prendre en charge un peu correctement les enfants. En fait, la pression est très importante, et permanente. Les vacances d’été ne sont de vraies vacances que durant une durée équivalente à celle des autres salariés, mais tout au long de l’année, la pression ne se relâche jamais vraiment. Ne vous y trompez pas, les enseignants sont largement aussi esclaves que les autres :)
Mais justement, voilà le problème : voulons-nous continuer à être esclaves ?
Sur le terrain, on a très vite confirmation que, coté profs aussi, nous avons un vrai problème de contrat social entre les citoyens et l’école, qui dépasse, en fait, l’école elle-même. Aux citoyens de se poser la question : pourquoi envoyons-nous nos enfants à l’école ? Quelles sont nos ambitions pour nos enfants ? Dans quelle société voulons-nous qu’ils vivent ? Celle contrôlée par les banksters, où les salariés ne sont qu’une variable d’ajustement dans un cadre stratégique d’accumulation financière absurde, faisant fi des dégâts humains et environnementaux ? Ou une autre ? Voulons-nous juste un petit emplâtre sur la plaie du « tri sélectif » ou voulons-nous une école « bien commun » qui n’oublie aucun de ses enfants ? Allons-nous poursuivre dans le déni des impacts de la situation psycho-sociologique des enfants sur leur capacité d’adaptation à un système où les enseignants « bricolent » tant qu’ils peuvent pour « sauver » tous ceux qu’ils peuvent dans un cadre qui les ligotent structurellement et les infantilisent eux-mêmes ? Si la question se débat enfin un jour vraiment entre les vrais acteurs - professeurs et parents - en faisant fi des manipulateurs gouvernementaux, nous aurons d’abord à concevoir un système de transition capable de prendre en charge tous ceux actuellement en instance de rupture totale avec l’enseignement et d’installer en même temps l’organisation soutenable pour tous. Nul doute que cela nous demandera d’énormes moyens. Et un énorme temps de débats collectifs entre véritables acteurs, sur le terrain, directement, dans chaque établissement. Sur une année scolaire, ça pourrait déjà être fort intéressant et fructueux. ( et déjà incroyablement profitable aux enfants si on les implique )
Par exemple, le débat sur les notes est à mon sens significatif, la « pointe émergente » de la conscience de la contradiction de fond, le véritable problème posé par le principe du « tri » des enfants. Le tri et les critères du tri sont directement liés aux principes de fonctionnement de notre société.
Nous ne ferons l’économie ni des moyens, ni du débat (général, massif, etc...)
Devons-nous attendre une hypothétique révolution ? Je vois bien d’autres possibilités : après tout, qu’est-ce qui empêche les syndicats de l’Education Nationale de sortir de la culpabilité soigneusement distillée à longueur de médias pour organiser ce débat ?
De qui devons-nous attendre l’autorisation exactement ? Adultes, les citoyens ?
Évidemment, si la visée est de régler les problèmes. Si c’est juste pour causer et agiter des petits drapeaux, on peut bien continuer comme ça. Le mur est possiblement au bout, mais bon, rien ne nous oblige à survivre en tant que sociétés organisées ou même, allez, espèce. Personnellement, j’ai tendance à penser que le défi de dégager les moyens et d’engager le débat est plus rigolo et « pêchu » mais c’est juste mon avis :))