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Commentaire de njama

sur Pourquoi un Africain accepte de rester chrétien ?


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njama njama 13 avril 2015 21:27

Pourquoi un africain accepte de rester chrétien ? Parce que « le christianisme est par excellence la religion des esclaves » ...
donc, pour exactement les mêmes raisons que dans les autres peuples, à mon avis, avaient-ils la force et les moyens de se rebeller contre leurs maitres ?

Après la journée du 15 janvier 1935, Simone Weil écrit dans son Journal d’usine :

« L’épuisement finit par me faire oublier les raisons véritables de mon séjour en usine, rend presque invincible pour moi la tentation la plus forte que comporte cette vie : celle de ne plus penser, seul et unique moyen de ne pas en souffrir. C’est seulement le samedi après-midi et le dimanche que me reviennent des souvenirs, des lambeaux d’idées, que je me souviens que je suis aussi un être pensant. Effroi qui me saisit en constatant la dépendance où je me trouve à l’égard des circonstances extérieures. : il suffirait qu’elles me contraignent un jour à un travail sans repos hebdomadaire – ce qui est toujours possible - - et je deviendrais une bête de somme, docile et résignée (au moins pour moi). Seul le sentiment de la fraternité, l’indignation devant les injustices infligées à autrui subsistent intacts – mais jusqu’à quel point cela tiendrait-il à la longue ? –
Je ne suis pas loin de conclure que l’âme d’un ouvrier dépend d’abord de sa constitution physique. Je ne vois pas comment ceux qui ne sont pas costauds peuvent éviter de tomber dans une forme quelconque de désespoir – soûlerie, ou vagabondage, ou crime, ou débauche, ou simplement, et bien plus abrutissement - (et religion  ?).
La révolte est impossible, sauf par éclairs (je veux dire même à titre de sentiment). D’abord, contre quoi ? on est seul avec son travail, on ne pourrait se révolter que contre lui – or travailler avec irritation, ce serait ma travailler, donc crever de faim. […] On est comme les chevaux qui se blessent eux-mêmes dès qu’ils tirent sur le mors – et on se courbe. On perd conscience de cette situation, on la subit, c’est tout. Tout réveil de la pensée est douloureux. »

Après une journée de travail à Boulogne-Billancourt où elle éprouve l’indifférence de ses camarades, qui quittent en toute hâte l’usine sans presque échanger une parole, elle note :

« Moi, malgré la fatigue, j’ai tellement besoin d’air frais que je vais à pied jusqu’à la Seine ; là, je m’assieds au bord, sur une pierre, morne, épuisée et le cœur serré par la rage impuissante, me sentant vidée de toute substance vitale ; je me demande si, au cas où je serais condamnée à cette vie, j’arriverais à traverser tous les jours la Seine sans me jeter une fois dedans »

en 1935, à Pavao de xxx ... , au nord de Porto, elle assiste sur la plage à une procession de femmes de pêcheurs, et elle écrivait :
« J’avais l’âme et le corps, en quelque sorte en morceaux. Étant dans cet état d’esprit et dans un état physique misérable, je suis entrée dans ce petit village portugais qui était hélas très misérable aussi, seule le soir de la pleine lune, le jour même de la fête patronale C’était au bord de la mer, les femmes des pêcheurs faisaient le tour des barques en procession, portant des cierges et chantaient des cantiques certainement très anciens … d’une tristesse déchirante. Là, j’ai eu soudain la certitude que le christianisme est par excellence la religion des esclaves. Les esclaves ne peuvent pas ne pas y adhérer, et moi parmi les autres.  »


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