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Commentaire de le maregraphe

sur Le travail : bien rare, ou mal nécessaire ?


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le maregraphe (---.---.164.41) 10 avril 2006 15:07

Boujour, ton article a le mérite de poser le problème de l’ambivalence de la notion de travail mais il oublie en même temps cette ambivalence pour faire l’éloge implicite de la vision anglo-saxonne, protestante et assurément capitaliste ( car on sait que les deux sont liées). C’est pourquoi je donnerai pour méditer tout cela deux petits textes d’Alain et de Nietzsche (très opposés pourtant) voilà :

Les sens différents du mot travail

« (...) de temps en temps, un homme considérable se lève au milieu d’une nombreuse assemblée, et fait l’éloge du travail. Généralement l’orateur a maison de ville, maison de campagne, chalet au bord de la mer et des loisirs. Mais ce n’est pas pour cela que son discours n’a pas le sens commun. C’est parce qu’on joue sur les mots. Si l’on entend par travail une occupation que l’on a choisie, que l’on prend et que l’on laisse, il est clair que le travail est le premier des plaisirs, et sans doute le seul bien réel qui nous soit donné. Seulement ce travail-là s’appelle aussi le jeu. (...) dans le langage ordinaire, le mot travail (...) désigne une tâche fatigante, à laquelle il faut se soumettre dès le matin, et qu’il ne faut pas laisser avant le soir, sous peine de souffrir du froid et de la faim (...). Ainsi entendu le travail est un mal, et l’homme ne l’accepte que pour éviter un mal plus grand. » Alain, La dépêche de Rouen, nov. 1903.

« Le besoin nous contraint au travail dont le produit apaise le besoin : le réveil toujours nouveau des besoins nous habitue au travail. Mais dans les pauses où les besoins sont apaisés et, pour ainsi dire, endormis, l’ennui vient nous surprendre. Qu’est-ce à dire ? C’est l’habitude du travail en général qui se fait à présent sentir comme un besoin nouveau, adventice ; il sera d’autant plus fort que l’on est plus fort habitué à travailler, peut-être même que l’on a souffert plus fort des besoins. Pour échapper à l’ennui, l’homme travaille au-delà de la mesure de ses autres besoins ou il invente le jeu, c’est-à-dire le travail qui ne doit apaiser aucun autre besoin que celui du travail en général. Celui qui est saoul du jeu et qui n’a point, par de nouveaux besoins, de raison de travailler, celui-là est pris parfois du désir d’un troisième état, qui serait au jeu ce que planer est à danser, ce que danser est à marcher, d’un mouvement bienheureux et paisible : c’est la vision du bonheur des artistes et des philosophes. »

Nietzsche (Friedrich) Humain, trop humain, I, § 611, Bouquins I, p. 680.


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