Et bien, c’est le retour du grand article du lundi sur le camarade Bayrou ! Quel plaisir de rentrer chaque semaine sur Agoravox et d’y trouver immanquablement ce puissant débat entre pro et anti FB
Comme si l’avenir de la France était à jamais suspendu aux lèvres de notre tribun bègue, ou supposait l’arrivée d’un quelconque Chevalier Blanc pour nous en préserver... A croire que François Bayrou, bien davantage qu’un Jean-Marie Le Pen, ou, pour respecter l’équilibre, qu’un Olivier Besancenot, représenterait le danger ultime pour la patrie ou ce recours messianique annonciateur d’une ère nouvelle où la politique enfin respecterait les citoyens, répondant, par l’explosion du très symbolique clivage droite/gauche, à toutes leurs justes revendications. Ben voyons...Du coup je vais en rajouter une (longue) couche avec gourmandise.
Qu’avons-nous au menu aujourd’hui ?
L’article fumeux du très respectable Monsieur Reboul, philosophe et professeur de cette même noble matière... Bien, pourquoi pas... Nous lisons donc...
En faisant abstraction d’un style un peu limite pour un gardien de l’esprit et de sa lettre, nous constatons une légère absence de reconnaissance de l’Histoire et de culture, non pas politique, mais des arcanes de la politique, de ces arrangements de couloirs qui peuvent modifier les alliances du jour au lendemain, transformer les promesses en souvenirs, et gonfler les électeurs de rancoeur au temps de la gueule de bois... Bref, de notion qui sont aux antipodes de la philosophie, tout autant que de ce clivage gauche / droite qu’on nous érige en principe séculaire et n’est pourtant qu’une invention récente tel qu’on nous la sert dans son lit de manichéisme gaulois.
Avant de poursuivre, je voudrais rassurer tout de suite les lecteurs et électeurs : l’éventuelle élection de François Bayrou ne sera pas le Grand Soir, pas davantage qu’elle ne sera un cataclysme entraînant définitivement la France dans les bras d’un fascisme avide. (Pour faire le lit du front nationale, les politiques de pseudo gauche, comme de pseudo droite n’ont pas attendu l’avènement du sieur Bayrou...)
J’en viens donc à ce fameux article et à sa démonstration tri-dimensionnelle...
Concernant la première croyance...
Je ne connais pas le degré de probabilité d’une élection de François Bayrou, mais ce dont je suis certain, c’est que son éventuelle réalisation se fera sans aucune alliance avec l’un des deux grands partis. Ceux qui pensent que Bayrou se laissera aller à un marchandage de circonstance n’ont pas compris sa démarche qui est tout sauf opportuniste (d’où son ancienneté), mais prouve juste qu’il est le seul à avoir entendu le message de la majorité des français, terriblement lassés des moeurs politiques et des petits arrangements entre amis négociés sur et dans leur dos. Comme le dis l’un des commentateurs précédent, ne pas comprendre ce fait est une négation définitive de l’utilité de la politique et l’expression d’un renoncement effrayant. Le monde change et les citoyens le constatent. A partir du moment où ni le PS, ni l’UMP (dont le programme est en réalité bien moins libéral que celui de Bayrou, mais bien plus conservateur et autoritariste, se rapprochant en cela de celui de Ségolène Royal) n’acceptent de le prendre en compte, ils finiront par connaître une érosion spectaculaire, déjà très largement initiée lors des précédents scrutins, comme le rappelle Voltaire. Si les présidentielles peuvent nous réserver la surprise Bayrou, il faut bien comprendre que la vraie surprise aura lieu à l’occasion des législatives.
Ceci nous amène naturellement à la seconde croyance que je traiterai, avec une certaine confusion, je vous l’accorde, en même temps que la troisième...
La création d’un grand parti du centre... Et pourquoi pas ? Parce que les uns et les autres auraient peur des représailles de leur maison d’origine... Oulala, ça fait peur ! Parce que, ça ne s’est jamais vu, peut-être ? Traditionnellement, la défection des élus, qui ne sentent pas très bien le vent venir, tout en s’offrant à la première brise trompeuse, n’empêche pas leur ralliement complet et penaud à la cause qu’il vienne pourtant de trahir... En 1995, les balladuriens ont connu une petite traversée du désert en réprimande à leur minable trahison, avant de tous revenir au bercail en rang serré, y compris le multiple traitre Sarkozy que l’on nous présente aujourd’hui en Homme d’Etat fiable et serein... Il en sera de même si François Bayrou l’emporte, tant les Santini et consorts sont plus proche idéologiquement de Bayrou que de Sarkozy, tant l’appel du portefeuille ministérielle ou de la circonscription en rut passent bien avant la considération d’un objectif électorale à cinq ans.
Cela m’amène à une autre considération. J’entends et lis un peu partout que Bayrou n’a pas d’idéologie, ou qu’il est nettement de droite mais le masque par opportunisme, que le « ni ni », ne constitue pas un programme et qu’au final cela obligerait les nouveaux venus comme les divers courant de l’UDF à d’incessants grands écarts politiques... J’apprends donc que la sociale-démocratie, incarnée aujourd’hui par François Bayrou, est une simple vue de l’esprit ridicule au regard des très identifiables pensées de droite et de gauche : heu.. de quelle droite et de quelle gauche parle-t-on ? Il me semble pourtant, et la comparaison des programmes de chacun est éloquente de ce point de vue, que François Bayrou indique aujourd’hui un chemin qui tente de concilier libéralisme (qui ne signifie pas inféodation définitive aux seuls intérêts des actionnaires) et justice sociale, relance de l’initiative individuelle dans le respect des plus faibles, l’éducation, la concertation et la conscience que cela ne peut se réaliser que par une reprise en main très nette du processus européen. Cela correspond non seulement à un large courant de pensée, mais répond partiellement aux véritables préoccupations des français qui détestent tout autant le libéralisme sauvage que la sovietisation de la société. Il se trouve effectivement que prendre des droits aux uns se fait généralement au détriment des autres, mais cela pourra être compris le jour où une explication sincère des raisons de tels choix sera faite en amont, sans arrogance ni malignité.
Cela représente effectivement un courant politique et presque une idéologie, dont il n’est au final pas très intéressant de savoir si ils doivent se retrouver dans les vocables de « droite » ou de « gauche », ni même du « centre »... Ceux-ci n’étant que l’expression de notre désir puérile de systématiquement coller des étiquettes aux choses, comme autant de béquilles à notre manque d’imagination... Cela ne signifie pas non plus, comme j’ai pu le lire, livrer la France à une armée de technocrates sans âme ni capacités idéologiques... Bref...
Qu’en est-il des deux autres candidats ? Sont-ils de gauche ou de droite ? Un électeur me décrivait il y a peu les raisons de son ralliement à François Bayrou en m’énonçant ainsi le programme de NS et SR « ce que je lis du programme de Bayrou me semble plus en phase avec la société que l’autoritarisme assorti d’un vague libéralisme de l’un et que l’autoritarisme à penchant soviétique de l’autre »... Ce jugement qui est, j’en conviens, un raccourci un peu brutal, provient, je tiens à le préciser, d’une éminente personnalité de notre économie, aussi peu versée dans la naïveté qu’habituée des moeurs politiques et des antichambres du pouvoir. Bref, je me pose la question ? N’y-t-il pas un grand écart idéologique entre Nicolas Sarkozy et Jean-louis Borloo, entre Jean-Louis Debré et Patrick Devedjian ? Comment ces gens là pourront-ils un jour cohabiter dans une même majorité ? Ah, m’apprends-t-on, c’est déjà la cas... Pardon. N’y a-t-il pas un fossé abyssale entre Henry Emmanuelli et Dominique Strauss Kahn ? Entre Claude Bartolone et Ségolène Royal ? Comment ces gens là pourraient-ils, par exemple, se retrouver sous l’autorité d’une personnalité comme Lionel Jospin ? Comment ? Mes archives me revèlent que ce fut le cas et que cette étonnante réalité pourrait se reproduire (sans Jospin) ! Ciel... Mais, me dit-on, « ces gens sont tous dans le même parti »... Ah oui, bien sur, j’oubliais... C’est vrai que l’on a jamais vu de politiciens changer de formations (et pas seulement par trahison, mais tout simplement pour se rapprocher de ses idéaux), c’est vrai que jamais parti politique n’a disparu pour laisser la place à un autre de sensibilité légèrement différente, quitte à occasionner un schisme profond ! Il est vrai que le congrès de Tour de 1920 n’a jamais eu lieu, il est vrai que l’appel de Cochin fut un conte, il est vrai... etc... Il est surtout vrai que les appareils tremblants veulent faire croire aux Français que l’Histoire mériterait d’être désormais figée au seul privilège de deux partis tellement divisés par d’inconciliables courants qu’ils frôlent en permanence la rupture (pas tranquille)... Et de ce point de vue, le PS, déchiré entre son courant gauchiste anti-européen ridiculement personnifié par Laurent Fabius et son aile Sociale Démocrate emmenée par DSK, risque l’indigestion si sa candidate n’est pas élue (je fais volontairement l’impasse sur le NPS de Peillon et naguère Montebourg et bien d’autres qui tirent la bête en tous sens)...
Donc, un nouveau parti Social Démocrate, obligeant certain à changer leur fusil d’épaule ? Cela n’a rien, mais alors rien d’irréaliste... Et c’est bien pour cela que le PS et l’UMP sont amenés à sortir aujourd’hui l’artillerie lourde, tant ils ont conscience de cette possibilité. D’autant, et je tiens à le préciser qu’il existe aussi au sein même de l’UDF, aux côtés de François Bayrou, de très intéressantes personnalités comme Hervé Morin, Marielle de Sarnez, Anne-Marie Comparini ou Jean-Christophe Lagarde qui auront un rôle déterminant à jouer dans les prochains mois, contrariant peut-être un certain nombre d’idées préconçues, concernant notamment la nomination d’un gouvernement majoritairement issu du PS ou de l’UMP, ou encore le fait que Ségolène Royal représente la féminisation de la vie politique, alors même que l’UDF est sans doute la formation qui se rapproche le plus de la parité parmi ses dirigeants.
Maintenant, voilà, même si le choix de François Bayrou n’est pas un choix par défaut, il ne mofifiera sans doute pas la société en profondeur... A moins qu’il soit l’occasion de faire comprendre une bonne fois pour toute aux Français que leur avenir est aujourd’hui intimement lié à l’évolution de l’Europe et que seule cette dernière est à même de changer leur appréhension du monde et des grands enjeux stratégiques internationaux.
Bonne soirée à tous
10/03 09:29 -
Ce n’est pas parce qu’une majorité semble (c’est à voir, au delà des sondages (...)
10/03 09:06 -
Merci de votre très pertinent commentaire : Je pense seulement que le pluralisme « (...)
09/03 10:42 - Emmanuelle
1) Je ne vois pas bien en quoi les généralités consensuelles que vous énoncez à propos de ce (...)
08/03 20:05 - Sylvain Reboul
08/03 15:59 - Emmanuelle
Tout cela est passablement confus. Voulez-vous dire qu’il n’y a pas un seul « (...)
08/03 13:05 - Sylvain Reboul
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