@Hermes Bonjour Hermès,
Puis-je vous raconter une expérience personnelle ? Quand j’avais 18 ans, je voulais devenir éducateur au grand dam de mes parents qui me répétaient et me faisaient répéter par tout le voisinage et par les enseignants que ce métier ne payait pas, qu’il n’était même pas reconnu, que j’avais les capacités nécessaires pour entreprendre des études universitaires.
J’ai tenu bon, persuadé que j’étais que si chacun, dans son coin, travaillait à l’épanouissement des autres, à aider, écouter, et comprendre les autres, le monde serait meilleur. L’argent n’était pas du tout une valeur pour moi à cette époque.J’en donnais volontiers pour soulager la misère des autres.
Puis, je me suis rendu compte que l’argent me rattrapait. J’avais ouvert un foyer pour adolescents et obtenu un crédit de caisse (pour lequel plusieurs amis avaient signé avec moi comme cautions solidaires) qui avançait le montant des subsides qui suivaient régulièrement trois mois plus tard. Le budget mensuel était à l’époque de 500.000 FB
Puis, est arrivée la régionalisation, le Ministère de tutelle passant de la Justice à la Communauté française et les subsides ont pris un an et demi de retard. En plus, parce que j’avais conservé dans le foyer un jeune sans famille qui n’avait que nous comme attache et qui d’ailleurs travaillait, la Communauté française a estimé que mes 5 éducateurs, le psychologue, l’assistant sociale et la cuisinière travaillaient 1/15 du temps pour lui et donc qu’elle pouvait ne verser que 14/15 des subsides afférents au foyer.
Quand cet argent est enfin arrivé, la banque a dit « Par ici les intérêts » et a mis fin au crédit de caisse. Nous étions tous, mes amis qui avaient signé comme cautions solidaires et moi, des travailleurs sociaux et j’ai donc provoqué le malheur de ces familles en plus de la mienne. Pourtant, il n’y avait aucune place dans les subsides pour payer des intérêts bancaires. Les paiements du personnel étaient prévus et calculés au franc près, et il y avait autant par jour pour la nourriture, la literie, et autres dépenses courantes. Mon comptable avait très bien veillé à ce que ces budgets soient respectés.
Là, j’ai compris que ceux dont l’argent n’est pas un objectif de vie, sont perpétuellement les victimes de ceux pour qui il l’est. Je n’en ai pas fait pour autant mon objectif de vie mais je me suis fixé comme objectif de réformer le système pour qu’il serve l’homme plutôt que les financiers.