@Jean J. MOUROT
L’argument habituel des pédagogistes est que les méthodes
traditionnelles produisaient beaucoup d’inégalité sociale. C’est encore
le leitmotiv de la réforme de NVB : il faut finir de casser ce qui
marchait encore un peu. Mais si effectivement on envoyait en
apprentissage très tôt, cela permettait à ceux qui n’aiment vraiment
pas étudier de ne pas perdre leur temps à subir des cours qui mettent en
évidence chaque jour un peu plus leur manque de goût pour l’étude.
Aujourd’hui,
l’élève peu impliqué dans les études va venir au collège uniquement
pour accroître son désintérêt pour les connaissances abstraites et
livresques jusqu’à la troisième. S’il a l’intelligence de comprendre
qu’il faut qu’il s’oriente dans l’enseignement professionnel, il pourra
être pris en CAP mais il ne sera pas pris au lycée professionnel car
c’est désormais l’enseignement sélectif : plus coûteux que le lycée
polyvalent, les places y sont chères, il faut avoir montré de
l’investissement au collège pour y avoir une place. Donc il va continuer
d’apprendre le métier de chômeur consommateur au lycée polyvalent, où
on le fera passer sans aucune exigence dans les classes supérieures pour
lui donner le bac au rattrapage, voire sans mention, voire même avec
mention AB s’il est un peu doué quand même dans une seule matière.
Ensuite,
comme le dit l’auteur, quand le collège unique est arrivé, il y avait
des gardes fous, qui permettaient à l’école de s’adapter à la diversité
des profils de ses élèves, et tous ces gardes fous ont ensuite été
supprimés un à un.
Concernant l’école primaire comme l’ensemble
du secondaire d’ailleurs, ce n’est pas tant une question de méthode
globale que d’esprit de l’enseignement. Si on veut à tout prix que
l’enfant apprenne sans difficulté, comme si la difficulté était
nécessairement déplaisante, on fera en sorte de supprimer les
enseignements difficiles et peu attrayants par eux-mêmes, comme la
grammaire pour le remplacer par des exercices ludiques où l’enfant est
censé découvrir par lui-même les règles qui lui permettront de
progresser, exercices qui resteront toujours moins attrayants que les consoles de jeu et très aléatoires en dernière analyse quant aux résultats.
Bien
plus que les méthodes ou les programmes, c’est l’organisation de
l’enseignement qui est porteur de cet esprit : un professeur des écoles
aujourd’hui doit à ses élèves une « étude » de l’anglais, du civisme, de
l’écologie, d’informatique et des sorties « pédagogiques ». Aussi, même
s’il essaye de privilégier les enseignements fondamentaux, le professeur
des écoles ne pourra pas aider ceux qui sont en difficulté à passer le
cap. Et il n’aura tout simplement pas le temps de faire de la grammaire,
de faire réciter des poésies ou du calcul mental. Et comme il est
devenu pratiquement impossible de le faire redoubler, l’élève comprendra
très vite qu’il n’a pas besoin d’apprendre sérieusement pour "continuer
l’aventure". Rétablissez le redoublement, les heures de français, de
mathématiques et d’histoire, revenez à la culture du plaisir du
dépassement de soi par l’effort et les choses iront beaucoup mieux.