@Michel J. Cuny
Je connais bien le raisonnement, charrié le plus souvent par des pétainistes un peu honteux, de la complémentarité du « glaive » = De Gaulle, et du « bouclier » = Pétain. Faute de preuves je n’y crois pas, pas plus d’ailleurs qu’à l’explication thorézienne d’une partie de la bourgeoisie qui aurait fait passer l’intérêt national avant ses intérêts de classe.
En fait, au delà des individus, les bourgeois ne conçoivent pas toujours, tous, surtout dans les périodes cruciales, les intérêts de leur classe de la même manière. Comment expliquer autrement le revirement brusque du parti conservateur anglais qui, le 10 mai 1940, alors que les allemands viennent d’attaquer en Hollande, troque le doux, pour Hitler, Chamberlain contre de dogue Churchill. Alors que la bourgeoisie française est encore, majoritairement, hypnotisée par « Hitler plutôt que le Front Populaire », la britannique, réveillée en sursaut, décide la résistance totale à Hitler, et persiste même, quand celui-ci tente de la séduire avec une opération de charme spectaculaire (opération Rudolf Hess).
Condamné à mort, le minoritaire De Gaulle rejoint Churchill, qui a encore toutes ses cartes dans la main, sur un pari : Hitler ne peut pas gagner, alors que les Pétain, Laval, Jeanneney, Herriot et consort, qui n’ont plus aucun jeu, tablent sur l’inverse. Et progressivement, collant au sort des armes, la bourgeoisie française deviendra, pour un temps, sans l’avoir vraiment voulu, majoritairement gaulliste.
En fait, pour moi ces péripéties démontrent que les bourgeoisies peuvent se diviser et que si dans la lutte de classe de notre époque l’unité du prolétariat est capitale, la division de la bourgeoisie peut aussi être décisive.