L’épopée napoléonienne et je choisis à
dessein le terme épopée car il s’agit bien d’une aventure exceptionnelle, menée
par un homme d’exception ( qui n’en est pas un pour son valet, c’est bien connu
) dans une période d’exception, l’épopée napoléonnienne n’est pas seulement la
série d’images d’ Épinal ou s’égrènent les victoires comme autant de ponts sur la Seine
et dont les valeureux protagonistes donnèrent leur nom à des boulevards
circulaires ou à des avenues de prestige dans des villes de province.
Il est bon - quoique peut-être de mauvais
aloi dans une période contemporaine où la médiocrité triomphe et où le prestige
de la France tient à des galipettes pour tabloïd et aux génuflexions devant la
puissance germanique - de rappeler que chaque médaille a son revers et que la
France fut divisée en zones d’occupation comme une vulgaire Allemagne au sortir
des deux guerres mondiales.
Ajoutons qu’elle mit du temps à récupérer
ses territoires naturels, que ce ne fut pas sans allers et retours et qu’elle a
dû faire son deuil de la Belgique, d’abord rétrocédée à la maison d’Orange et
ensuite, en raison d’une cohabitation difficile de la langue et de l’esprit
français avec la rugosité hollandaise,
créée ex nihilo pour servir d’état tampon.
Les campagnes napoléoniennes ont coûté des
monceaux de vies humaines, les troupes de Napoléon ont semé la terreur avec une
cruauté devenue légendaire en Espagne mais elles ont aussi porté bien haut les
oriflammes de la révolution : il suffit de noter l’accueil enthousiaste des
gens d’esprit dans les pays allemands : Beethoven célébrant la liberté, Goethe et Schiller, l’égalité et la fraternité, et tant d’autres qui ne virent pas seulement dans les armées françaises la
bande de soudards qu’elles furent en partie mais aussi les combattants qui signent l’avènement des temps
nouveaux.
Napoléon a façonné l’Europe et l’a sortie
de sa gangue moyenâgeuse ; il a apporté, par le fer et le feu, c’est ce qui
est paradoxal, les valeurs de la liberté et de l’humanisme : bien qu’il fût
lui-même trop petit et mesquin pour les porter et ne le méritât pas, c’est néanmoins lui que la providence a choisi pour les incarner.
Comme d’autres sont élus aujourd’hui pour
contribuer à l’abaissement de la France et à sa disparition en tant que nation
qui doit rentrer dans le rang des médiocres : les ténèbres leur vont si bien.