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Commentaire de Analis

sur Après Kadhafi, Saddam... Assad !


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Analis 1er septembre 2015 11:17

Un autre entretien où Meyssan explique comment, en dépit de ses multiples tergiversations sans mentionner les innombrables interférences états-uniennes, françaises, britanniques, séoudiennes, turques, qatariennes etc..., la politique d’Obama au sujet de la Syrie, de l’Irak, de l’Iran, du Yémen et d’Israël (et de l’Ukraine !) s’insère bien dans une stratégie de maintien de ce qu’il est possible de suprématie dans une perspective de déclin :

http://www.voltairenet.org/article188259.html

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Entretien avec Geopolitika

Après l’accord États-Unis/Iran, le monde se réorganise

par Slobodan Eric, Thierry Meyssan

En juillet, le mensuel politique serbe de référence, Geopolitika, a interviewé Thierry Meyssan sur la situation dans les Balkans et au Proche-Orient. Nous reproduisons ici cet entretien avec des notes sur les dernières évolutions. Pour l’analyste, les relations internationales sont dominées par la volonté états-unienne de garder le contrôle économique global et d’empêcher l’émergence de nouveaux rivaux, la Russie, la Chine et l’Union européenne. L’affrontement se joue à la fois au Proche-Orient et en Ukraine. Le basculement de l’Iran, d’une position révolutionnaire et anti-impérialiste à une position nationaliste et à une ambition d’influence régionale, redistribue toutes les cartes.

Réseau Voltaire | Belgrade (Serbie) | 14 août 2015

Geopolitika : Monsieur Meyssan, la Serbie et le Sud-Est de l’Europe en général, ont été « inondés » par la vague des immigrants. S’agit-il d’un processus spontané ou est-ce que quelqu’un serait intéressé par le déplacement d’une partie importante de la population du Proche-Orient, d’Afghanistan et d’autres pays vers le vieux continent ? Est-ce qu’il y a quelqu’un qui voudrait priver le président el-Assad du soutien de son peuple en encourageant les migrations depuis la Syrie ?

Thierry Meyssan : Personne n’avait prévu l’ampleur de la vague de migrants actuelle. Ils proviennent principalement de Syrie, d’Afghanistan et de la Corne de l’Afrique. Contrairement à ce que prétendent les politiciens occidentaux, il ne s’agit ni de gens à la recherche du niveau de vie européen, ni de personnes qui tenteraient d’échapper à des régimes dictatoriaux. Ce sont simplement des êtres humains qui fuient les combats car leur pays est en guerre, généralement du fait des politiques occidentales.

Les politiciens européens n’ont toujours pas compris que cette migration est la conséquence de la stratégie états-unienne depuis 2001. Washington ne cherche plus à prendre le contrôle d’États, mais à détruire les États et à imposer un chaos dans lequel rien ne peut s’organiser sans leur volonté. C’est la théorie du philosophe Leo Strauss qui a formé de nombreux responsables du secrétariat à la Défense.

Cependant il est désormais évident pour les États-uniens que si le chaos sert localement leurs intérêts, il ne peut être contrôlé et tend à s’étendre. Les migrants sont désormais si nombreux qu’ils peuvent déstabiliser des États que Washington imaginait stables. Il semble que l’administration Obama vienne de modifier ses choix : abandonner la théorie du chaos et revenir à la confrontation classique de la Guerre froide. C’est en tous cas ainsi que j’interprète à la fois la nomination du nouveau stratège du secrétariat à la Défense, James H. Baker, la publication de la nouvelle Military Strategy par Ashton Carter, et les déclarations du prochain chef d’état-major interarmes, le général Joseph Dunford.

Nous devrions donc voir, dans les années à venir, ce flux migratoire s’atténuer. Mais il faudra au moins deux ans pour que les populations réagissent à ce changement de stratégie. La crise actuelle va donc d’abord s’amplifier avant de se résoudre lentement.

Geopolitika : Deutsche Welle et d’autres médias occidentaux annoncent avec malveillance la chute prochaine du régime en Syrie. Quelle est votre opinion sur la situation au front, qui est en train de devenir vraiment compliquée ? Comment aider l’armée syrienne, bien sûr, avant tout de façon militaire ? Est-ce que la Syrie peut toujours compter sur le soutien de la Russie pour l’armement, et sur l’aide de l’Iran, l’Irak et le Liban en ce qui concerne le personnel ?

Thierry Meyssan : Les médias occidentaux prennent les rêves israéliens pour une réalité. Cela fait quatre ans qu’ils nous annoncent chaque semaine la chute imminente du « régime ». En fait, la situation a été critique à la mi-2012, mais est parfaitement contrôlée aujourd’hui.

Sur 23 millions de Syriens, 3 à 4 millions sont réfugiés à l’étranger, 18 à 19 millions soutiennent la République arabe syrienne et environ 500 000 soutiennent les jihadistes. Les médias occidentaux masquent cette réalité en publiant des cartes absurdes sur les « zones libérées  » par les jihadistes. Or, l’Armée arabe syrienne a prit le parti de ne sécuriser que les villes et d’abandonner les déserts, qui représentent plus de la moitié du territoire. De son côté, l’Émirat islamique tient 3 villes et des routes à travers le désert. Les médias occidentaux font semblant de croire qu’il contrôle tout le désert. C’est simplement ridicule.

La guerre a déjà été gagnée. Les événements actuels se poursuivront néanmoins tant que l’on fournira des mercenaires, de l’argent et des armes aux jihadistes. Ce qui logiquement devrait cesser après la signature de l’accord bilatéral secret entre les États-unis et l’Iran, parallèlement à l’accord multilatéral sur le nucléaire des 5+1.

Concernant les alliances, pour beaucoup d’habitants du Proche-Orient, la partition de la Syrie historique par les Britanniques et les Français en 1916 (accords Sykes-Picot) a créé des États, mais n’a pas changé les peuples. Beaucoup de Libanais considèrent qu’ils forment un seul peuple avec les Syriens. Et ce sentiment existe, dans une moindre mesure, en Jordanie et en Palestine. Lorsque le Hezbollah est venu se battre en Syrie, il a affirmé intervenir non pas pour protéger la Syrie, mais le Liban. On voit bien aujourd’hui qu’il avait raison  : si le Hezbollah n’avait pas sécurisé la frontière syro-libanaise du côté syrien, le Liban serait aujourd’hui ravagé par la guerre.

La Russie, quant à elle, a toujours protégé la Syrie lorsque son existence était menacée, et elle continuera de le faire. Mais il serait naïf de croire que Moscou fera plus. Elle a soutenue la Syrie —comme la Novorossia— au Conseil de sécurité, mais n’est pas intervenue directement dans les combats —ni en Syrie, ni en Novorossia—. Elle a même refusé de fournir des armes essentielles comme des images satellitaires ou des détecteurs de tunnels [1]

L’Iran a changé au cours de cette guerre. Au départ, à l’époque de Mahmoud Ahmadinejad, les Iraniens étaient prêts à mourir pour leur idéal anti-impérialiste. Aujourd’hui, avec cheik Hassan Rohani, ils pensent à intégrer le commerce international et à étendre leur zone d’influence. Téhéran va donc continuer à soutenir Damas, mais il est vital pour la Syrie de se trouver de nouveaux alliés au risque d’être bientôt dominée par les Perses.

Geopolitika : Quelle est la vérité sur l’État islamique, qui commet de crimes épouvantables ? Les forces états-uniennes soutiennent qu’elles bombardent les positions de Daesh, mais de l’autre côté, qui a aidé à ce qu’une telle formation militaire et para-étatique monstrueuse naisse, et qui a conquis des parties importantes de plusieurs États ? Qui leur a donné des armes, fourni la logistique…  ?

Thierry Meyssan : L’État islamique est un projet des États-Unis qui a trop bien marché et les encombre désormais. Au départ, il s’agissait de partitionner l’Irak en créant à la fois un Sunnistan (l’actuel Califat) et un Kurdistan (qui ne verra finalement pas le jour), conformément à la carte de Robin Wright publiée par le New York Times en 2013. Ces nouveaux États auraient coupé la ligne de communication entre l’Iran d’un côté, la Syrie, le Liban et le Palestine de l’autre. Pour les créer, il fallait séparer les populations comme cela a été fait en Yougoslavie. Or, ceci étant un crime contre l’humanité ne pouvait être fait par l’armée US. D’où le recours à une organisation non-étatique, l’Émirat islamique.

Nous disposons d’une documentation, certes incomplète mais déjà suffisante, pour conclure que l’Émirat islamique a été créé, sous sa forme actuelle, par Washington avec un financement saoudien et une aide israélienne. Cependant, aujourd’hui les États-unis ne savent plus comment traiter cette organisation qui s’est tant développée et dont le commandement est désormais assuré par la Turquie.

L’Émirat islamique se réclame d’une idéologie takfiriste, c’est-à-dire qu’il se réfère à un penseur des Frères musulmans, Moustafa Choukri, et anathémise tous ceux qui ne partagent pas son interprétation sectaire de l’islam. Sa stratégie a été définie dans un ouvrage publié en 2004, Le Management de la sauvagerie ; un livre signé sous pseudonyme et dont la structure intellectuelle est clairement occidentale.

Lors de sa création, en 2006, il s’agissait d’une organisation tribale composée de six tribus sunnites irakiennes et des combattants libyens d’al-Qaïda en Irak. L’Émirat islamique incorpore depuis sa réorganisation, en mai 2014, d’anciens officiers de Saddam Hussein, liés à l’Arabie saoudite, qui avaient soutenu la tentative de coup d’État des Frères musulmans en 1982 en Syrie. Mais son organisation rappelle celle des Moujahidines du peuple, une secte iranienne qui s’était réfugiée en Irak et que Saddam Hussein utilisait pour accomplir ses basses œuvres.

Geopolitika : Vous considérez les accords nucléaires entre les États Unis et l’Iran comme une tentative d’un accord plus large entre Téhéran et Washington. Quelles en seront les conséquences pour le Proche-Orient ?

Thierry Meyssan : En signant cet accord, la République islamique d’Iran a cessé d’être ce que signifie son nom. Selon l’imam Khomeiny, «  islamique » désignait à la fois la religion musulmane et la lutte pour la justice, c’est-à-dire contre l’impérialisme. Désormais, l’Iran récupère le rôle qu’elle jouait à l’époque du Shah, celui de gendarme régional pour le compte de Washington. «  Islamique » ne désigne plus que la religion musulmane.

D’un côté, c’est une bonne nouvelle pour les populations car cela devrait permettre un cessez-le-feu pour les dix prochaines années. D’un autre, c’est une catastrophe parce que cette paix est injuste et que ceux qui combattent l’injustice sont désormais seuls.

Geopolitika : Votre article sur la coopération secrète entre l’Arabie Saoudite et Israël est très intrigant. Quel est l’objet de cette coopération, et dans une sphère conspiratrice, où se rencontrent les intérêts de ces deux grands adversaires ?

Thierry Meyssan : Israël et l’Arabie saoudite ne sont plus des adversaires, mais déjà des alliés militaires. Ils ont réalisé ensemble l’attaque du Yémen. L’état-major de la Force arabe commune n’est pas à Riyad, mais à Hargeisa, au Somaliland. Cet État non-reconnu, situé en Afrique à côté de Djibouti, est une colonie israélienne. Les bombardiers saoudiens sont principalement pilotés par des soldats israéliens. Et Israël a même fourni une bombe à neutrons qui a tué de nombreux yéménites dans un silence assourdissant de la «  communauté internationale ».

En vertu de la National Security Strategy de Barack Obama, la sécurité d’Israël, une fois opéré le retrait des troupes états-uniennes du Proche-Orient et leur transfert en Extrême-Orient, sera assurée par la « Force arabe commune », sous les auspices de la Ligue arabe, mais sous commandement israélien.

La collaboration entre Tel-Aviv et Riyad se poursuivra dans la décennie à venir avec l’exploitation du champ pétrolier de Rub al-Khali, principalement situé au Yémen, puis avec celui d’Ogaden, en Éthiopie. Dans cette perspective, le Saudi Bin Laden Group devrait construire un grand pont au dessus du détroit de Bab el-Mandeb, reliant Aden à Djibouti.

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