suite....
Les capteurs ont déjà fonctionné dans le passé, chose que les dirigeants syriens ne savaient que trop bien. Au mois de décembre dernier, le système de capteurs a détecté des signes de ce qui semblait être une production de sarin dans un dépôt d’armes chimiques. Il n’était pas immédiatement clair si l’armée syrienne simulait la production de gaz sarin dans le cadre d’un exercice (tous les militaires font constamment ce genre d’exercices) ou si elle préparait réellement une attaque. À l’époque, Obama avait publiquement mis en garde la Syrie que l’emploi de sarin était « totalement inacceptable » ; un message similaire avait été également transmis par voie diplomatique. Par la suite, l’incident se révéla faire partie d’une série d’exercices, selon l’ancien haut responsable du renseignement : « Si ce que les capteurs ont détecté en décembre dernier était suffisamment important pour que le Président en arrive à leur dire : « Arrêtez ça ! », pourquoi n’a-t-il pas émis le même avertissement trois jours avant l’attaque au gaz du mois d’août ? »
Un journaliste critique n’a pas été invitéLa NSA bien sûr surveillerait le bureau d’Assad 24/24h si elle le pouvait, a déclaré l’ancien fonctionnaire. D’autres communications —de différentes unités de l’armée au combat à travers la Syrie— seraient beaucoup moins importantes, et ne seraient pas analysées en temps réel. « Il y a littéralement des milliers de fréquences radio tactiques utilisées par les unités sur le terrain en Syrie pour des communications de routine banales », dit-il, « et il faudrait mobiliser un très grand nombre de cryptologues de la NSA et le retour utile serait nul. » Mais le « bavardage » est néanmoins régulièrement stocké sur des ordinateurs. Lorsque l’ampleur des événements du 21 août fut perçue, la NSA a mis sur pied un effort global pour chercher des indices annonciateurs de l’attaque, en examinant toutes les archives des communications stockées. Un ou deux mots clés sont choisis et un filtre est employé pour retrouver les conversations pertinentes. « Ce qui s’est passé ici, c’est que les imbéciles [weenies] de la NSA sont partis d’un événement —l’utilisation de sarin— et ont tenté de retrouver des conversations susceptibles d’être en rapport avec cet évènement », a déclaré l’ex-fonctionnaire. « Cela ne donne pas une évaluation très fiable, sauf si vous partez du principe que Bachar al-Assad a ordonné l’attaque et qu’ensuite vous cherchez tout ce qui pourrait le confirmer. » Le tri sélectif des données était similaire à la procédure utilisée pour justifier la guerre en Irak.
La Maison-Blanche a eu besoin de neuf jours pour préparer son dossier contre le gouvernement syrien. Le 30 août, elle a invité un groupe de journalistes à Washington (au moins un journaliste souvent critique, Jonathan Landay, le correspondant sur les questions de sécurité nationale pour McClatchy Newspapers, n’a pas été invité), et leur a remis un document soigneusement étiqueté comme une « évaluation du gouvernement », plutôt que comme une évaluation des services de renseignement. Le document était essentiellement un argumentaire politique pour soutenir les accusations de l’administration contre le gouvernement Assad. Cependant, il était plus précis qu’Obama ne le sera plus tard, dans son discours du 10 septembre : les services de renseignement états-uniens, disait le document, savaient que la Syrie avait commencé à « préparer des armes chimiques » trois jours avant l’attaque. Dans un discours agressif prononcé plus tard ce jour-là, John Kerry a fourni plus de détails. Il a dit que « le personnel des armes chimiques » de la Syrie « était sur le terrain, dans la région, en train de faire des préparatifs » dès le 18 août. « Nous savons qu’il a été dit à des éléments du régime syrien de se préparer à une attaque en mettant des masques à gaz et de prendre des précautions liées à des armes chimiques. » L’évaluation du gouvernement et les commentaires de Kerry laissaient entendre que l’administration avait suivi en direct l’attaque au gaz sarin. C’est cette version là, fausse mais non contestée, qui a été largement diffusée à l’époque.
Le nombre de morts varie considérablementUne réaction imprévue est venue sous la forme de plaintes formulées par la direction de l’Armée syrienne libre (ASL) et d’autres sur l’absence de mise en garde. « C’est incroyable, ils n’ont rien fait pour avertir les gens ou essayer d’arrêter le régime avant le crime », a déclaré Razan Zaitouneh, un député de l’opposition qui a vécu dans une des villes touchées par le sarin, à la revue Foreign Policy. Le quotidien Daily Mail a été plus direct : « Un rapport des services de renseignement indique que des responsables états-uniens étaient au courant de l’attaque au gaz neurotoxique en Syrie trois jours avant qu’elle ne tue 1400 personnes —dont plus de 400 enfants—. » (Le nombre de morts suite à l’attaque varie considérablement, d’un minimum de 1429, selon le chiffre initialement annoncé par l’administration Obama, à beaucoup moins ; un groupe syrien de défense des droits de l’homme a fait état de 502 morts ; Médecins sans frontières (MSF) en a annoncé 355, et un rapport français a répertorié 281 cas de décès connus. Le chiffre étonnamment précis avancé par les États-Unis était fondé, selon un article ultérieur publié par le Wall Street Journal, non pas sur un décompte réel des corps, mais sur une extrapolation effectuée par les analystes de la CIA, qui ont introduit plus d’une centaine de vidéos de Ghouta trouvées sur YouTube dans un système informatique et ont ensuite examiné les images pour trouver des cadavres. En d’autres termes, ce n’était guère plus qu’une conjecture.)
La presse états-unienne ne prête que peu d’attention à cette rétractionCinq jours plus tard, un porte-parole du bureau du directeur du Renseignement national a répondu aux plaintes. Une déclaration à l’agence Associated Press disait que les informations sur lesquelles étaient fondées les affirmations antérieures de l’administration n’étaient pas connues au moment de l’attaque, mais n’avaient été récupérées que par la suite : « Soyons clairs, les États-Unis n’ont pas observé, en temps réel, comment cette attaque terrible a eu lieu. Les services de renseignement ont pu recueillir et analyser les informations après les faits et déterminer que les éléments du régime d’Assad ont en effet pris des mesures pour se préparer avant d’utiliser des armes chimiques. » Mais comme la presse états-unienne avait déjà son histoire à raconter, cette rétraction n’a reçue que peu d’attention. Le 31 août, le Washington Post, en s’appuyant sur l’évaluation du gouvernement, a rapporté de manière saisissante et en première page que les services de renseignement états-uniens avaient pu enregistrer « chaque étape » de l’attaque par l’armée syrienne en temps réel, « depuis les vastes préparatifs pour le lancement de fusées jusqu’aux évaluations effectuées après l’action par des responsables syriens ». Le journal n’a pas publié le correctif d’Associated Press et la Maison-Blanche a gardé sa mainmise sur la version des évènements.
Obama était arrivé à une conclusion hâtiveEt donc, lorsque Obama a déclaré le 10 septembre que son administration savait que le personnel des armes chimiques d’Assad avait préparé l’attaque à l’avance, il fondait sa déclaration non pas sur des informations interceptées en direct, mais sur des communications analysées plusieurs jours après le 21 août. L’ancien responsable du renseignement a expliqué que la chasse aux échanges pertinents est remontée jusqu’à l’exercice détecté au mois de décembre précédent [2012], dans lequel, comme Obama l’a dit plus tard en public, l’armée syrienne avait mobilisé le personnel d’armes chimiques et distribué des masques à gaz à ses troupes. L’évaluation de la Maison-Blanche et le discours d’Obama ne constituent pas une description précise des événements qui ont précédé l’attaque du 21 août mais un compte-rendu d’une séquence de mesures que l’armée syrienne prendrait en cas d’attaque chimique. « Ils ont reconstitué l’histoire », a déclaré l’ex-fonctionnaire, « à partir de différentes pièces. Le modèle employé était celui qui remonte au mois de décembre ». Il est possible, bien sûr, que Barack Obama n’était pas au courant que ce compte-rendu avait été établi à partir d’une analyse du protocole de l’armée syrienne en cas d’attaque au gaz, plutôt que sur des observations directes. Quoi qu’il en soit, il était arrivé à une conclusion hâtive.
Des éléments de preuve potentiels déplacés et peut-être manipulésLa presse allait emboîter le pas. Le rapport de l’Onu du 16 septembre [2] confirmant l’utilisation de sarin a pris soin de préciser que l’accès des enquêteurs sur les lieux de l’attaque, cinq jours après qu’elle ait eu lieu, avait été sous le contrôle des forces rebelles. « Comme pour d’autres sites », avertit le rapport, « ces sites ont été largement fréquentés par d’autres personnes avant l’arrivée de la mission … Pendant notre séjour, des individus sont arrivés en transportant d’autres munitions suspectes, ce qui indique que ces éléments de preuve potentiels sont en train d’être déplacés et peut-être manipulés ».
Pourtant, le New York Times s’est emparé du rapport, à l’instar des responsables états-uniens et britanniques, pour affirmer que celui-ci fournissait des preuves accablantes qui confirmaient les affirmations de l’administration. Une annexe au rapport de l’Onu reproduit des photos prises sur YouTube de quelques munitions récupérées, dont une fusée qui « correspond précisément » aux caractéristiques d’un obus d’artillerie de calibre 330. Le New York Times a écrit que l’existence de ces fusées prouvait sans conteste que le gouvernement syrien était responsable de l’attaque « parce que de telles armes n’avaient jamais été signalées entre les mains de l’insurrection ».
09/09 18:25 - Sarah
@elpepe Bonjour et merci de votre message. Netanyaou : je n’ai pas d’opinion sur sa (...)
07/09 23:11 - lmcal140
07/09 23:08 - lmcal140
Voici , selon une source LIBANAISE, ce que l’armée syrienne possède en terme (...)
07/09 18:57 - TREKKOTAZ
@Werner Laferier Salut camarade !!Un grand merci, chacune de tes interventions me fait bien (...)
07/09 16:13 - lmcal140
’’La Russie poursuit la préparation de son déploiement militaire en Syrie [1]. Des (...)
07/09 15:37 - lmcal140
@Layly Victor Destitution du président : est-ce possible et surtout utile ? Dans de très (...)
Agoravox utilise les technologies du logiciel libre : SPIP, Apache, Ubuntu, PHP, MySQL, CKEditor.
Site hébergé par la Fondation Agoravox
A propos / Contact / Mentions légales / Cookies et données personnelles / Charte de modération