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Commentaire de Nycolas

sur La fabrique de la soumission


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Nycolas 19 décembre 2015 17:23

Un grand merci pour cet article.

A titre personnel, je rejoins particulièrement la peinture de l’école comme un système carcéral, puisque c’est ce qu’elle est.

Ayant travaillé dans le social par la suite, en contact avec des instituteurs, j’ai pu me rendre compte qu’ils sont les premiers conscients du fait qu’un tel système ne peut pas répondre aux besoins de tous. Aussi, beaucoup des commentaires qui ici critiquent certains aspects de votre article ne tiennent pas compte de ce point, prétendant que l’école serait, dans l’ensemble, un bien plutôt qu’un mal, telle qu’elle existe.

Je prétends que c’est faux, mais comme nous sommes tous passés par cette machine à conditionner et - en effet -à soumettre, qu’est l’école, il n’est pas surprenant que beaucoup ne puissent pas imaginer un autre horizon.

Il est un fait que l’école telle qu’elle existe répond aux besoins et exigences de quelques uns, et exclut en revanche largement. Dans une attitude cynico-fataliste (imbécile à mes yeux) on en trouvera toujours pour défendre le statu quo puisque des solutions différentes échappent à leurs perceptions, leurs capacités de conception (bridées par l’école) et leur imagination, bien que ces solutions existent, en fait.

Il y a, pour sûr, tout un tas de personnalités banales ou conformistes qui ont besoin d’un cadre étroit pour pouvoir accomplir ensuite quelque chose dans la vie. Il y a tout aussi sûrement des profils différents qui ne sont que bridés et donc socialement détruits par l’école, mais il faut dire aussi que l’école étant à l’image de la société à laquelle elle est censée préparer, les individus créatifs ou non-conventionnels ne l’intéressent pas, puisqu’elle produit littéralement des individus qui à leur tour produiront. C’est à dire que l’école est une usine à esclaves, et en ce sens, elle fonctionne bien, ce qui explique qu’on la préserve ainsi.

Aussi il est un peu facile de dire « l’école c’est pas si mal dans l’ensemble », car c’est tomber dans l’écueil moderne de gérer une population en terme de statistiques sans tenir compte de tout ce qui se perd et est, en définitive, traité comme du déchet. Cela fait le terreau d’ailleurs, d’actions radicales telles que celles qu’on observe actuellement, ou d’autres. Oui, on a 80% au bac, quasiment 100% au BEPC (à mon époque en tout cas), mais on a donc une fraction non-négligeable de gens qui vont devoir se démerder parce que l’école ne leur a en aucun cas permis de développeurs leurs compétences, quelles qu’elles soient, et alors ils les exprimeront par la débrouille, le traffic, le crime, le suicide, la dépression, le chômage de longue durée, que sais-je, et on le leur reprochera, ce qui sera, là aussi, trop facile. La société, puisqu’elle veut contenir sa jeunesse dans l’incarcération scolaire, a une responsabilité envers cette jeunesse qu’elle déresponsabilise en la soumettant, comme vous le dites bien.

Cette responsabilité passe par l’attention à chacun, et cela je ne l’ai jamais observé. En somme, l’école produit d’un côté des individus dociles, de l’autre des déchets, presque nécessairement révoltés et problématiques, reportant à plus tard la question de s’en occuper, par exemple en peuplant les prisons, d’un univers carcéral à un autre, surtout pour ceux à qui cela réussit le moins. Bref, un système axé sur la réussite produit nécessairement... de l’échec. Une autre philosophie de l’école serait bienvenue, mais comme la majorité veut simplement perpétuer le système malgré ses dysfonctionnements, toute critique sera naturellement relativisée, niée ou simplement écartée, tant il est plus facile de se complaire dans ce qui fonctionne en apparence, que d’accepter qu’il y a aussi des dysfonctionnements et d’assumer d’en rechercher activement des solutions. Notre société étant bien trop engluée dans ses carcans législatifs, il n’y a quasiment aucune chance que cela se produise, de toute façon, étant donné que la lenteur administrative et législative se justifie d’elle-même et par elle-même, et que le but recherché est la fabrication en chaine d’esclaves volontaires pour participer au consumérisme de masse. Et si les révoltés tombent eux aussi dans le consumérisme, c’est précisément un autre symptôme de l’échec de l’école à produire autre chose que des individus sans imagination ni avenir autre que de perpétuer le système qu’ils haïssent.

J’ai lu tout et n’importe quoi sur la fonction de l’école. Créer des citoyens, de l’esprit critique, de futurs travailleurs, inculquer de la culture générale, etc. Dans les faits, l’école formate des moutons qui rentrent dans un moule, et les autres sont coupables d’être non conformes, et donc punissables comme tels. La sanction est, d’une manière ou d’une autre, une exclusion à divers degrés du système social (marginalité, prison, système D, etc.)

Mais bref... Je retourne prêcher dans mon désert d’ex-cancre.


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