Bonjour.
La lecture du présent article m’a fait penser à des propos que j’avais exprimés il y a quelques temps dans un de mes billets. Eu égard à une certaine proximité intellectuelle du sujet traité par l’auteur avec celui auquel je m’étais intéressé, je ne puis m’empêcher d’en donner ici la principale teneur, que voici :
<< Du haut de mes 52 ans, je me souviens de mon enfance pendant les
années 70 dans un pays de culture arabo-musulmane, où l’air de l’époque
sentait à plein nez l’ouverture culturelle, l’aspiration à la liberté et
à la modernité, et où l’observance du jeune du ramadan et des
obligations religieuses, en général, était le dernier souci de la
jeunesse d’alors qui chantait plutôt la gloire de l’athéisme. Inutile de
vous dire qu’à cette époque-là, la recherche d’un intégriste religieux
équivalait à la quête d’un emploi de la part d’un chômeur de longue
durée, quinquagénaire, qui plus est, dans un pays en crise. D’ailleurs,
c’est cette aspiration à la modernité et à la laïcité qui constituait,
entre autres, les idéologies des régimes nassérien et baasiste en
Egypte, en Irak, en Syrie et même au sein des milieux intellectuels de
presque tout le monde arabe. Mais que s’est-il passé dans ces sociétés ?
D’où vient ce revirement, ce retour à des valeurs archaïques, cette
renaissance, ou mieux, cette naissance de l’obscurantisme religieux (je
dis « naissance plutôt que « renaissance » car ces courants de pensée
sont natifs de notre époque) ?
À cet égard, il est difficile de ne pas entrevoir la responsabilité
des puissants de ce monde, en la personne des puissances occidentales,
avec à leur tête l’oncle SAM, mais également leurs sbires et complices
que sont les régimes politiques des pays du Tiers Monde. Car, la
stratégie de la prédation est bien rôdée et les événements favorisant
son entrée en action agissent sempiternellement tel un éternel
recommencement. On commence par provoquer la déstabilisation et le
chaos, on agite le spectre de la Charia et, in fine, on
favorise l’accaparement à bon compte des ressources locales par les
représentants des industries du pétrole et de l’armement, pendant que
les populations locales achèvent de crever. Et pour garantir la
pérennité de ce statuquo, rien de tel que l’installation d’un régime
complice et nécessairement faussement légitime. Il faut reconnaître au
néocolonialisme une certaine ingéniosité. Ce que les prédateurs
obtenaient, à l’époque de l’ère coloniale, à savoir l’accaparement des
richesses des populations sans défense, à des frais non négligeables
(entretiens des forces armées en place pour réprimer d’éventuels risques
de soulèvement populaire ou d’opposition armée, installations
d’infrastructures en vue de l’exploitation des richesses locales, etc.),
peuvent l’obtenir aujourd’hui avec la stratégie du néocolonialisme à
moindres frais, puisque les basses manœuvres d’étouffement et
d’oppression de toutes velléités d’aspiration à la démocratie, à la
liberté et à la justice sont assurées par les régimes corrompus et
complices.
Ne sont-ce pas là tous les ingrédients nécessaires à l’émergence de
l’intégrisme religieux ? N’est-ce pas le seul refuge qui reste à des
populations sous domination, gangrénées par la pauvreté, outrées par les
innombrables injustices qui les frappent quotidiennement et essuyant
des siècles d’humiliation ? N’est-il pas, eu égard à ces considérations,
loisible de parier sur l’érosion de l’obscurantisme religieux parmi les
plèbes musulmanes si leurs conditions matérielles s’améliorent ?
Outre cette condition humaine des plus étouffantes, la manipulation
des esprits bat son plein, dans tous les pays et dans tous les régimes
politiques, où les faiseurs d’opinions, rompus à l’exercice de la
propagande, s’évertuent à polluer l’oxygène que nous respirons en y
distillant le virus de l’orientation de l’opinion publique, dans la
direction voulue par les cénacles du pouvoir.
Il est certes illusoire de croire que la prise de conscience de cet
état de fait va changer quoi que ce soit à la marche monde. Mais elle
n’en demeure pas moins salutaire, ne serait-ce que sur un plan purement
intellectuel, en raison de sa vertu à éclairer toute tentative de
compréhension de notre monde, afin d’éviter de se tromper de cible dans
une entreprise critique. >>
Bien à vous.