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Commentaire de BA

sur Erdogan peut-il entraîner le monde dans la troisième guerre mondiale ?


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BA 20 février 2016 11:48

Samedi 20 février 2016 :

Migrants : vers l’implosion de Schengen et une crise humanitaire en Grèce.

Angela Merkel, désormais seule, qui a dû céder à un ultimatum, et la Grèce qui risque de vivre une crise humanitaire et de replonger dans la tourmente financière : le Conseil européen du jeudi 18 février marquera un tournant, dramatique, dans la crise des réfugiés. La décision prise la veille par l’Autriche, qui a fixé unilatéralement de stricts quotas journaliers de réfugiés admis sur son sol, risque de précipiter l’isolement total de la Grèce et l’implosion de la zone de libre circulation de Schengen.

Ce sont les partisans du « plan B », du chacun pour soi et de la fermeture des frontières nationales qui risquent, dans les semaines qui viennent, de l’emporter et d’enterrer le « plan A » de la chancelière allemande et de la Commission européenne. Un plan basé, lui, sur la solidarité des Etats membres et l’accueil des réfugiés.

« Nous avons conscience de l’urgence de la situation, nous devons très rapidement avoir une analyse de la situation pour savoir si notre plan est le bon ou pas », a déclaré Angela Merkel dans la nuit de jeudi à vendredi, à l’issue du conseil. Elle a obtenu de ses partenaires la tenue d’un sommet extraordinaire avec les dirigeants turcs, probablement le samedi 5 mars, à Bruxelles, en espérant, a-t-elle répété jeudi, qu’à ce moment-là Ankara démontrera enfin son engagement à diminuer les flux de migrants partant vers la Grèce. La tenue de cette rencontre a été confirmée par le président du Conseil européen, Donald Tusk, dans la nuit de jeudi à vendredi.

Preuve de l’inquiétude grandissante, les conclusions adoptées dans la nuit par les vingt-huit Etats membres de l’Union ont été enrichies d’allusions à la nécessité d’apporter une aide humanitaire « aux Etats membres affectés ». En clair, à la Grèce. Par ailleurs, Mme Merkel, M. Hollande et M. Tsipras devaient se rencontrer vendredi matin pour discuter des risques de déstabilisation politique, financière et humanitaire pour la Grèce.

Ce qui se dessine est le scénario catastrophe que redoutaient beaucoup – surtout à Berlin. Si les frontières européennes se ferment davantage, des milliers de migrants pourraient être pris au piège en Grèce. Totalement déstabilisée par cette crise humanitaire, Athènes serait incapable de mettre en œuvre la réforme des retraites qu’exigent ses créanciers internationaux. Une crise financière s’ensuivrait, doublée d’une crise politique – le gouvernement d’Alexis Tsipras ne dispose que d’une très courte majorité – et d’un nouveau défi pour l’Europe. « On danse sur un volcan », avouait, jeudi soir, un haut fonctionnaire du Conseil.

La Grèce et ses créanciers

L’Autriche, qui était jusqu’à présent une alliée de l’Allemagne, a changé de cap brutalement en annonçant, mercredi 17 février, sa décision de restreindre l’accès à son territoire et de ne plus accepter, dès vendredi, que quatre-vingts demandeurs d’asile par jour – et 3 200 en transit vers l’Allemagne. Au grand dam d’Angela Merkel, qui a vivement dénoncé cette démarche. « La réunion a été tendue, crispée », confirme l’un des participants. « Les solos nationaux ne sont pas à recommander », a plaidé le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, à l’issue de la réunion.

La Commission européenne évoque un projet « clairement incompatible » avec le droit européen. Sans ébranler la conviction de Vienne, qui semble en outre avoir concerté sa décision avec la Slovénie voisine : en fermant elle aussi ses frontières, la Slovénie organiserait le « bouchon » pour bloquer, en bout de ligne, les réfugiés en Grèce.

La décision de l’Autriche enclencherait effectivement l’effet domino tellement redouté par Berlin et Bruxelles. Au premier abord, elle semblait servir les intérêts de son voisin allemand, en réduisant mécaniquement le nombre de demandeurs d’asile arrivant dans le pays. « Pas question de raisonner comme cela : on ne veut pas de ces murs qui risquent d’isoler la Grèce, de l’empêcher de faire ses réformes et d’effectuer ses remboursements à ses créanciers internationaux [dont l’Allemagne] », insistait une source diplomatique.

Trier les réfugiés

L’Allemagne et la Commission envisagent la suite avec anxiété : les pays des Balkans, pour ne pas se retrouver avec des milliers de personnes refoulées d’Autriche, risquent, à leur tour de bloquer tout passage. La Macédoine, qui a commencé à filtrer les arrivants, pourrait envisager un blocage total, avec l’aide des pays (la Croatie, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie) qui lui ont proposé de l’aide.

Jeudi, les polices de Macédoine, de Serbie, de Croatie, de Slovénie et d’Autriche ont, en tout cas, décidé de mettre en place un enregistrement commun de réfugiés arrivant de Grèce en Macédoine et d’organiser leur transport vers l’Autriche. Il s’agira notamment de déterminer, à partir de données biométriques, s’ils viennent de pays considérés comme dangereux (Afghanistan, Irak ou Syrie).

Initialement, le sommet de jeudi n’avait d’autre objet que de rappeler les règles de solidarité et de fonctionnement (le règlement de Dublin sur le premier examen de la demande d’asile, les règles Schengen sur la libre circulation…). L’occasion, aussi, d’un appel réitéré à une « solution européenne ». Mme Merkel et M. Tsipras comptaient même profiter de l’occasion pour transmettre des nouvelles encourageantes : quatre centres d’enregistrement (« hot spots »), et un cinquième bientôt, sont opérationnels en Grèce, enregistrant 80 % des arrivants tandis que les départs de Turquie semblent moins nombreux, ce qui laisserait entrevoir une application du plan d’action signé avec les Européens à l’automne dernier.

Un « minisommet », qui devait précéder le conseil européen et aurait permis de confirmer l’engagement de la Turquie, a toutefois dû être annulé en raison de l’attentat commis, jeudi, à Ankara. La coalition des pays dits « de bonne volonté » (acceptant des réfugiés), mobilisée au départ par l’Autriche, a visiblement vécu… En tout cas, le sort de la Grèce, comme sans doute celui de Schengen, se jouera indéniablement dans les semaines qui viennent. Avec un arbitre instable : la Turquie.

http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/02/19/migrants-la-politique-europeenne-sur-le-point-d-achever-la-grece_4868148_3214.html


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