Dossier : le « viol d’Évry » ou l’étrange traitement des faits divers
le 14 mai 2014 dans Dossiers, Médias
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Il y a un mois s’est déroulé un fait divers particulièrement sordide et choquant, aussi bien en soi que par le silence dont il a été entouré dans les médias mainstream. Il pose à nouveau la question du traitement sélectif des « faits divers ».
Dans la nuit du 29 au 30 mars dernier, une jeune fille de 18 ans sort du RER à Évry. C’est alors qu’elle est agressée par quatre adolescents âgés de 13 à 17 ans, dont trois sont de nationalité turque et le plus âgé de nationalité marocaine. Sous la menace d’un couteau, ceux-ci l’emmènent dans le parc de Courcouronnes où, après l’avoir dépouillée, ils la déshabillent, la frappent à coups de bâton (elle aura le nez et la mâchoire fracturés), puis la violent successivement et l’humilient de diverses manières. Elle est laissée en sang, à demi dénudée, après deux heures de calvaire, et récupérée par un automobiliste qui l’emmène immédiatement à l’hôpital. Grâce à la vidéosurveillance et au témoignage de la jeune fille, les coupables sont rapidement appréhendés et confondus par leur ADN. N’exprimant pas le moindre remords, ceux-ci affirmeront avoir agi ainsi « parce que les Français sont tous des fils de pute ». On aurait pu penser qu’un fait divers d’une telle monstruosité, allant jusqu’aux actes de barbarie, impliquant des mineurs dont deux ont à peine treize ans, se déroulant dans la commune de l’actuel Premier Ministre et comprenant un caractère aussi frontalement raciste, aurait un retentissement certain dans la sphère médiatique française. Il n’en fut rien. Seul François d’Orcival, dans Valeurs actuelles, relaya avec effroi l’affaire tandis que tous les autres médias se contentaient d’une brève tronquée de l’événement : on en avait en effet expurgé la dimension raciste, pourtant présentée par les auteurs eux-mêmes comme le mobile essentiel de leur acte. Mais nous sommes en 2014, si bien que cette censure un peu trop flagrante scandalisa les réseaux sociaux et donna lieu à un grand nombre d’articles dans la « réacosphère » (Boulevard Voltaire, Atlantico, 24 heures actu). Au point que Rue89 finit par publier un papier, non sur l’affaire elle-même, mais sur le « buzz » qu’elle avait provoquée sur le Net.
Diversion ou symptôme ?
Le traitement des faits divers a toujours été fondamentalement problématique pour les médias. Le sociologue Pierre Bourdieu est l’auteur de la formule selon laquelle le « fait divers fait diversion ». Remarquant que les médias, pour des raisons de concurrence et d’accroche commerciale sont naturellement attirés par le sensationnel, il mettait justement en garde contre le risque de surexposer certains faits en raison de leur impact émotionnel au détriment d’une analyse plus juste et rationnelle de la réalité. D’un autre côté, qu’est-ce que la réalité, sinon une collection de faits divers ? Toute la question réside donc dans la valeur symptomatique ou non que l’on accorde à un fait. Soit il n’est que le symptôme de l’éternelle violence des hommes et il témoigne simplement qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, et que les hommes tuent, volent, violent et se suicident depuis toujours – auquel cas, il est formalisé sous les espèces d’une simple brève dans la rubrique des « faits divers ». Soit il témoigne d’un phénomène inédit, ou globalement non perçu, et revêt alors une dimension révélatrice. De possible diversion du réel, il se fait au contraire surgissement brutal de celui-ci. Le viol d’une étudiante indienne dans un autobus, à Delhi, en décembre 2012, avait soulevé une immense émotion dans la population et entraîné une prise de conscience salutaire quant à la violence impunément faite aux femmes en Inde. À la suite de nombreuses mobilisations, de nouvelles lois avaient été votées pour lutter contre ce problème. Ainsi, le fait divers n’avait nullement « fait diversion » en ce cas, puisque c’était au contraire l’aphasie et l’accoutumance à l’insupportable qui laissaient ignorer des situations de souffrance scandaleuses. En 1955, l’assassinat du jeune adolescent noir Emmett Till allait être à l’origine du mouvement des droits civiques qui aboutirait à affranchir les Noirs américains d’une situation d’apartheid dans le « pays de la liberté ». On n’imagine guère, avec du recul, reprocher à ceux qui s’étaient scandalisés de la mort d’Emmett Till d’avoir donné dans le populisme et entretenu des tensions intercommunautaires au prétexte d’un simple fait divers ne traduisant rien de significatif.
Statistiques ou populisme
Mais l’attitude dominante de la gauche médiatique est de se méfier des faits divers à la suite de Bourdieu, et de préférer leur opposer la froide vérité des statistiques. Le « fait divers » serait intrinsèquement spectaculaire, trompeur et populiste, alors que les chiffres des sociologues permettraient de discerner les vrais contours de la réalité. C’est en tout cas l’argument fondamental du dernier livre d’Aymeric Caron. Le chroniqueur de Laurent Ruquier oppose dans Incorrect (Fayard) des lignes de chiffres aux prétendus fantasmes des rares journalistes estampillés « néo-réacs ». Pourtant, au risque de décevoir ce professionnel de la certitude autosatisfaite, les chiffres peuvent aussi bien faire diversion que les faits divers… La démographe Michèle Tribalat conteste par exemple, avec des travaux scientifiques très sérieux, la plupart des chiffres officiels sur l’immigration. Le chiffre est bien l’une des données les plus manipulables qui soient, surtout d’un point de vue sociologique où tout est question de critères et de grilles préalables. En somme, un chiffre ne s’interprète pas moins qu’un fait divers, et la prudence n’en est pas moins requise dans une condition que dans l’autre. Ceux qu’a cités Laurent Obertone dans La France Orange mécanique (Ring) n’ont par ailleurs jamais été démentis et dressaient un panorama pour le moins terrible de la progression de la violence en France ces trente dernières années. En outre, le travail de ce dernier a consisté à rassembler une multitude de faits divers particulièrement révélateurs de l’ensauvagement des rues (et des banlieues) françaises. On a pu par conséquent lui faire le procès de compiler de manière unilatérale des faits « sensationnels » dans le but d’éblouir la raison par l’émotion suscitée. C’est en effet le risque d’une telle entreprise, mais l’ignorance dans laquelle sont tenus de pareils phénomènes est, pour le coup, la marque d’un aveuglement certain.
Transmutations ratées
03/03 11:18 - Crab2
VIOLS – 2016 …...sont venus conforter ou renforcer cette idée de la femme (...)
01/03 20:05 - Jean
@franc arf, un américain qui parle des droits de l’homme !!!!
01/03 18:44 - franc
01/03 18:15 - Jean
01/03 14:46 - Muslim
@franc Et vous donnez une très mauvaise image des français. Ressaisissez-vous, les droits de (...)
01/03 14:44 - franc
@Muslim je ne suis pas ami avec les Saoud et les Qatar,c’est vous les muslims qui (...)
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