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Commentaire de lermontov

sur Evolution, création et droits de l'homme


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kalachnikov lermontov 5 mars 2016 09:30

@ Bernard Mitjavile

Une seconde nuit blanche à remuer Google, ce n’est sans doute pas raisonnable à votre âge.

https://www.cairn.info/revue-actuel-marx-2005-2-page-29.htm

"Le cas des Fuégiens ramenés en Terre de Feu par le Beagle est crucial car il signe la rencontre avec le « sauvage » contemporain, traité comme un fossile vivant de l’humanité, une relique de l’évolution : « Je ne me figurais pas combien est énorme la différence qui sépare l’homme sauvage de l’homme civilisé... »  [12][12] Darwin, Voyage..., I, p. 224. . Mais, contrairement à ce que l’on dit, cette expérience a des aspects très contradictoires. Sur le navire, Darwin est d’abord frappé de leur proximité avec les Européens et il le soulignera quarante ans plus tard : « On range les Fuégiens parmi les barbares les plus grossiers ; cependant, j’ai toujours été surpris, à bord du vaisseau Le Beagle, de voir combien trois naturels de cette race, qui avaient vécu quelques années en Angleterre et parlaient un peu la langue de ce pays, nous ressemblaient au point de vue du caractère et de la plupart des facultés intellectuelles »  [13][13] Darwin, La descendance de l’homme, rééd. 1981, I, p. 67..... Cette perfectibilité attestée amortira le choc de la vision des Fuégiens « sauvages », totalement nus, cruels et pilleurs, pratiquant à l’occasion l’infanticide et le cannibalisme. De plus, Darwin peut comparer différents stades d’évolution des « primitifs » ; ainsi les Tahitiens lui paraissent bien plus avancés en raison de leurs institutions socio-économiques. De là le parallèle entre barbares/civilisés et nature/domestication en fonction du rôle de l’agriculture comme maîtrise des conditions d’existence et matrice d’un dispositif civilisationnel inspiré de Locke (propriété, droit coutumier, gouvernement et chef). Et lors d’un second passage en Terre de Feu, Darwin voit que des sentiments (la jalousie) et des règles sociales (l’échange) peuvent ordonner les comportements d’une tribu (Voyage, I, pp. 248-49).

[...] Notons qu’il hésitera un temps à financer l’éducation des Fuégiens lorsque l’amiral James Sullivan (ancien lieutenant sur le Beagle) le sollicitera pour aider des missions ; mais la lecture en 1867 de rapports sur les progrès réalisés sur place le fera changer d’avis.

Bref, si l’expérience des Fuégiens est centrale pour comprendre comment Darwin se persuade de l’existence d’une série dégradée de formes appartenant à l’espèce humaine, il conserve la conviction de la perfectibilité et du méliorisme social. La différence qui sépare le sauvage du civilisé est plus grande que celle qui sépare l’animal sauvage de l’animal domestique, mais c’est dû au fait « que l’homme est susceptible de faire de plus grands progrès » (Voyage, I, p. 224). D’autre part, il est convaincu que les conditions d’existence jouent un grand rôle quant à l’apparence et aux moeurs d’un groupe humain. Quand on lui présente au Chili des Indiens élancés et beaux, excellents cavaliers, commerçant avec les colons, en lui disant qu’ils sont d’une autre race que les Fuégiens, il se rend compte rapidement qu’il s’agit de la même population que « le froid, le manque d’aliments et l’absence absolue de toute civilisation ont rendu hideuse » en Terre de Feu (Voyage, I, p. 79). En outre, on ne trouve pas chez Darwin une obsession des traits héréditaires, physiques ou mentaux, que les anthropologues voyaient à la racine des différences insurmontables entre groupes humains. L’article cité de John C. Greene montre que même ses notes et carnets ne renferment pas ces considérations."


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