@ ultima_ratio

Tu ne peux occulter cette dimension. Non pas d’avoir ta propre opinion, mais qu’il y ait une opinion nationale, une doxa, suivie par l’Etat, que le citoyen l’ait voulu ou non.
Et cette doxa, dont nous discutons souvent ici, c’est : Assad est le méchant. On sait de plus que l’Etat, quel que soit la couleur politique, collabore avec des gens douteux (islamistes, monarchies du Golfe, etc) et prostitue nos valeurs.
Donc, c’est à toi de voir si de près ou de loin ton reportage entre ou non dans le cadre de la doxa. S’il s’en écarte, évidemment, qu’ils n’en veulent pas.
Mais c’est une naïveté de ta part de croire que seule la Vérité prime.

Il y a une autre dimension qui est la dégradation du métier de photoreporter. On a parlé en marge de la mort de Camille. Mais là, je te trouve naïf puisqu’il me semble impossible que tu n’aies pas été au courant. Camille était partie au Soudan, durablement, puis en Centrafrique, avec peu de moyens, squattant chez msf, tapant un casque à reporters sans frontières, etc. Des enculés sous entendant évidemment qu’elle était morte du fait de son inconscience alors qu’en fait la précarisation du métier fait que...

http://www.jet-lag-trips.com/etre-freelance-camille-lepage/

Enfin, il est évident qu’il y a des réseaux, des connaissances, etc, dans un milieu assez confiné. Mais si ton reportage est puissant, un scoop par exemple, tout ça ne tient pas et tu retombes en ce cas dans la première dimension, l’incapacité de parler de la chose.

Puis, il y a une question qualitative aussi. La concurrence avec des amateurs ou des témoins qui font des blogs sur ce qu’ils vivent avec une connaissance aigüe du terrain, des enjeux, etc, des photos, etc. Quand tu es photoreporter, tu fais de l’immersion, en fait ; tu pars sur la durée, etc. Tu fais un reportage de fond alors que l’info est instantanée de nos jours et qu’on ne peut s’attarder sur rien, un fait chassant l’autre. Les reportages de fond n’intéressent plus aujourd’hui et ne s’adressent qu’à une frange réduite de lecteurs.