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Commentaire de Aime

sur Témoignage d'un boulanger qui n'a pas connu le CPE...


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Aime (---.---.18.133) 14 avril 2006 22:13

Bonjour,

En réponse à ceux qui se demandent si on peut y arriver aujourd’hui encore, et puisqu’on est dans la tranche de vie ... j’y vais de mon petit laïus.

1995, je passe péniblement un bac électronique, avec comme seul envie celle de ne pas aller plus loin dans des études dont je ne vois ni la fin ni le but. Le jour des résultats du bac, je récupère mon dossier scolaire au service administratif, et je quitte l’école sans aucun regret et avec un niveau qui de toute façon ne m’aurait permis de continuer mes études nul-part.

Je fais mon service militaire parce qu’il le faut bien, et tant qu’à ne pas faire comme les autres, je le fais outre-mer pour découvrir d’autres gens, d’autres horizons. Sur ce point première chance :)

Et puis je compare avec mes anciennes relations de lycée. La grande majorité à un petit boulot qui n’a rien à voir avec notre « spécialité », ou alors pas de boulot du tout ... perspective peu réjouissante que de revenir à cette vie là avec mon bac et aucune pratique à mettre en avant.

Je vois passer un avis pour un concours de la focntion publique. Et puis pourquoi pas ? Il y a même des postes pour faire de l’electronique, et puisque je ne fais pas d’allergie à ce milieu, je tente le coup. 6 mois plus tard c’est le retour ... à l’école ! 1 an de cours pour transformer mes vagues connaissances de lycée en des compétences utilisables. Seconde chance :)

Je rejoins mon premier poste, et je découvre un monde assez différent de l’idée que je m’en faisais, avec pas mal de gens attachants. Je vois surtout pas mal de gens dans mon service qui trainent avec eux des cours du CNAM ... C’est la première fois que j’entends parler de ca. Des cours du soir pour adultes ? Je regarde le programme, j’y vois des choses qui m’ennuyaient profondément 4 ans avant, et qui cette fois m’interessent. Je m’inscris donc pour des cours du soir en informatique.

3 ans à raison de 6 heures par semaine le soir après le travail, pas mal de doutes mais aussi le retour du plaisir d’apprendre. Et puis une rencontre, une de plus ... Il parait qu’on a des aides si on quitte ce métier, et qu’on peut même avoir droit à des congès de formation. Retourner à l’école ? Et pourquoi pas ? Après tout ca me plait ces nouvelles connaissances, et j’aimerai les appliquer.

Je monte un dossier, je le défends longuement malgré les difficultés, l’incompréhension de ceux qui me voient quitter une place en or (selon eux) dans l’administration, je patiente 6 mois sur une liste d’attente, je romps mon contrat au passage, et me revoilà à l’école pour un an de plus, avec le bénéfice du CNAM en poche.

Au bout de 6 mois à l’AFPA (que beaucoup considèrent sans doute comme un organisme de formation de peu de valeur ... et pourtant ...) c’est la recherche de stage, je commence à faire le tour des entreprises. Seulement mon profil ne plait pas trop. Un ancien fonctionnaire, quelqu’un qui change de métier, ca ne rassure pas forcément. Et puis mon futur diplome ne sera pas celui d’ingénieur, et dans ce métier là on me répond parfois d’économiser un timbre et de ne pas envoyer mon CV histoire de ne faire perdre de temps à personne. Accueil glacial en gros ...

Un prof m’indique une entreprise qui est en train de se créer, me dit que ca ne coute rien d’aller voir, c’est juste à coté. En fait de création, j’arrive dans des locaux où le mobilier n’est même pas encore monté, et où le premier client n’est pas encore trouvé :)

Le patron a un discours simple. Aujourd’hui il n’a même pas de quoi se payer, ne peut pas me rémunérer durant le stage, et ne peut pas promettre un emploi à l’issue : au moins le discours est clair ! J’ai encore quelques mois d’assedic devant moi et OK pour manger des pâtes ... je dis que je tente le coup et je rejoins l’aventure.

2000 : Stage difficile, avec de nombreux doutes sur mes capacités à sauter le pas, des soirées et des week end à essayer de rattraper mon retard, mais ca avance. Avant la fin du stage l’entreprise commence à trouver du travail et je me retrouve même sur un projet pour lequel je ne suis pas payé et pourtant facturé ! Ca fait toujours parti du « jeu », et je l’accepte.

Et puis au moment de finir le stage, on me propose un contrat, un CDI (pourquoi un CDI ? Parce que pour le patron c’est plus facile à briser qu’un CDD malgré l’idée répandue) avec un salaire bien moindre que celui que j’avais auparavant, mais l’ambiance me plait, le travail aussi, et à nouveau j’accepte de bon coeur.

Avec le temps je travaille de plus en plus sur les missions de vente, je compte peu (lire pas) mon temps, et la société continue à grandir. J’ai la chance d’avoir un patron qui me fixe des objectifs forts sans tenir compte de mon diplome en retrait par rapport aux autres. J’y passe beaucoup de temps une fois rentré chez moi, mais j’y arrive.

Mes expériences passées ne sont pas perdues, et sont même un atout dans certaines situations. Je participe toujours à la vie de l’entreprise, je passe à un statut cadre qui récompense mes efforts, et me voilà à gérer une équipe assez conséquente et des projets toujours plus grands.

Au bout de 4 ans, je passe autant de temps à faire de la technique que de l’administratif. Seulement je manque de connaissances sur ce point, et je navigue parfois sans tout comprendre. J’ai abandonné les cours du soir depuis un moment, mais je me renseigne pour trouver un cursus adapté, au cas où.

Je tombe alors sur une prochure dans une chambre de commerce : un diplome d’école de management en alternance. Je monte un dossier, un argumentaire, je fais un travail de fond pour voir comment financer les cours et avoir le soutien de mon employeur, et ca semble bien se présenter. Plusieurs mois de travail pour me mettre à niveau pour le concours d’entrée, un dossier de financement, et nouveau coup de chance, tout est accepté !

Depuis ? Je termine un master en alternance en école de commerce, et je me rends compte qu’à 35 ans je suis un cancre qui n’a jamais cessé de retourner en formation !

Je ne suis pas certain qu’il y aura une place pour moi dans mon entreprise avec ces nouveaux bagages, mais je suis assez serein. Si il le faut je partirai ailleurs, quitte à encore tout recommencer, un réseau de relations en plus (ne le négligez jamais ce reseau).

Désolé si je suis un peu long, mais je pense qu’il est important de dire que si la réussite n’est pas toujours au rendez-vous, prendre des risques et beaucoup se renseigner auprès des organismes adaptés c’est accessible à tous. A condition de beaucoup se préparer, et d’essayer de recenser tout ce qui existe aujourd’hui pour se former en continu, on peut avancer longtemps !

J’ai beaucoup parlé de chance, mais il y a aussi une bonne part de remise en cause, de coups de pieds aux fesses, de peur ! Des rencontres aussi, et bien sûr des actes manqués !

Oui en 2006 on peut essayer de se sortir d’une situation qui ne nous convient pas en cherchant un peu (plus sincèrement : beaucoup, car tout ce dont j’ai parlé, peu de gens savent que ca existe) et se lancant.

Oui, la vie n’est pas simple. Non, le marché du travail n’est pas bien rose et difficile à comprendre. Il bouge trop vite. Mais au delà de l’aspect « discussion de comptoir » que certains ne manqueront pas de trouver à mon témoignage (sans doute en partie à raison), on peut encore se raccrocher à quelques espoirs. Il y a des moyens de s’y adapter.

On peut décider que tout est pourri, et que de toute façon on n’a pas sa place dans le système. Ou alors décider de faire avec ou mieux, de s’en servir !

Merci d’avoir eu le courage de me lire :)

Aime


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