C’est plutôt rare qu’on me prête un
excès d’optimisme. Si on s’en tient à une période temporelle d’un
siècle, ou même au moment présent, je comprends que cela vous
sembles pour le moins candide. Le présent est particulièrement
désespérant, mais c’est bien là que nous vivons. Le futur à court
terme est donc particulièrement préoccupant. Mais ce présent,
comparé au néolithique, aux grottes de Lascaux, à nos ancêtres
vivant dans les arbres et dans les océans du vieux monde, même si
c’est extrêmement lent, on constate que nous sommes embarqués, du
point de vue de la conscience, sur une sorte de mouvement ascendant.
Peut être que l’humanité n’ira jamais
plus loin. Peut être qu’elle disparaîtra sans jamais dépasser sa
forme actuelle, physique et mentale. Et déjà celle ci n’est pas
tout à fait homogène, chaque individu à sa petite pointe
d’alchimie personnelle. Mais cela me semble être un pronostic que
nous n’avons même pas les moyens de faire. L’effet même de nos
pires dérives, sur quelques millions d’années, nous dépasse
complètement. De plus jamais aucune extinction de masse jusqu’ici,
aussi cataclysmique soit elle, n’a pu venir à bout des 100% du
vivant organique terrestre. C’est même très souvent la difficulté,
le challenge physiologique et mental du milieu, qui se retrouve
facteur déterminant de l’évolution. Vu les changements qu’opère
l’homme sur son propre environnement, les difficultés qu’il se crée
lui même, c’est en fait plutôt comme mettre du charbon dans le four
de la locomotive des mutations. C’est à double tranchant d’ailleurs.
Mais en effet, si cette formidable capacité d’adaptation ne sert
qu’à s’adapter à un « système », comme aujourd’hui,
c’est une autre sorte de problème. D’ailleurs c’est peut être ça
le plus ironique, cette faculté qu’on la plupart des gens à
s’adapter à la société occidentale...
En sciences physiques, une force F
trouve quasiment à tous les coups, quelque part, une force égale et
opposée. En philosophie, ou en naturalisme, on pourrait presque
transposer cela à la notion de paradoxe qui est quasiment
omniprésente à tous les niveaux, en filigrane.
J’essaye de rester objectif, même s’il
fait plutôt sombre, et j’ai parfois l’impression que parce que la
conscience humaine est en partie pervertie, la tournure de l’histoire
si affligeante, on jette un peu trop vite le bébé avec l’eau du
bain. Avant d’être des citoyens de nos nations, avant d’être
penseurs de notre propre condition, nous sommes les enfants de la
Nature. Si on part de l’atome d’hydrogène dans une étoile, on en a
quand même fait du chemin depuis...
L’aire des mammifères est plus subtile
que celle des reptiles géants. Je vous laisses apprécier la
proéminence de la mâchoire chez ces derniers, et celle de la
cervelle chez les poilus vivipares. Peut être que l’un de nos
« proche » cousins se fera un jour aussi l’escalade du
progrès technique, et s’aventurera sur ce périlleux chemin,
accélérera aussi son évolution.
Et l’enjeu dans tout ça ? J’en ai
un à vous proposer, au sens théorique :
L’héritage atomique du système
solaire, particulièrement riche et élaboré sur la planète Terre,
au point de s’incarner au travers de quelques millions d’espèces
animales, mobiles et parfois pensantes, ne quittera jamais son propre
périmètre, contrairement aux étoiles plus massives qui finissent
en feu d’artifice. Le soleil lui, couve tranquillement ses quatres
planètes telluriques, leur offre selon nos calculs quelques 6
milliards d’années de chaleur, de lumière et de guirlandes de
radiations multicolores. Rétrospectivement, on peut constater sans
trop faire de zèle, que les quelques 3 milliards d’années déjà
écoulées ont accouchées d’au moins 1 espèce, 1 espèce animale
sur quelques millions, qui présente le potentiel technique et
intellectuel d’être en mesure un jour d’exporter l’héritage atomique et moléculaire du
système solaire et de la planète Terre hors de ses frontières.
Bien sûr tout cela, sans un état de conscience et de connaissance
adapté, ne semble ni raisonnable, ni envisageable. Le défi de
l’homme serait alors mécaniquement celui ci : incarner la
conscience de la Nature elle même, en somme. Mais qu’on échoue
laborieusement ou pas, et que j’extrapole un peu trop ou pas, le défi
posé reste le même : Survivre à notre condition. Chose pour
laquelle nos ancêtres directes, tous sans exception jusqu’ici, ont
réussis avec succès, puisque nous sommes là pour en parler. Ça me
semble super délicat de décréter soudain que les choses vont
s’arrêter là...
Les tortues pondent des centaines
d’œufs, seule une petite poignée atteignent l’age adulte. Il
n’empêche, aussi large soit les pertes, aussi lentes et inoffensives
soient-elles, elles survivent ainsi depuis des dizaines de millions
d’années.