Ce sont les mythes qui sont mortels. Pas les héros. C’est l’épopée commencée par l’assassinat d’un couple d’instituteurs (quel symbole !) qui trouve ici son épilogue : la contrée qui fut pendant deux millénaires le grenier des empires peine à nourrir ses enfants, et ceux-ci sont contraints à l’exil chez l’ancien colonisateur. Malgré la manne pétrolière. Ou peut-être à cause d’elle, finalement...
Un attentat ciblant des civils peut être vu par son auteur comme un mal nécessaire. Il n’est en revanche jamais un fait glorieux mais une monstruosité, comme la suite vous l’a enseigné lors des années terribles vécues par votre peuple. Ne mélangez donc pas Jean Moulin et Larbi Ben M’hidi, car les actions des FFI visaient les troupes allemandes, celles des poseurs de bombes du FLN ciblaient les civils, européens comme indigènes.
Chaque peuple a droit à ses rêves, comme vous le dites : nous Français - après tout - célébrons bien une prise de la Bastille que beaucoup d’historiens considèrent désormais comme très surfaite. C’est peut-être aussi le cas de votre « glorieuse révolution ». Un rêve. C’est votre droit.
Peut-être les yeux de Boualem Sansal se sont-ils finalement dessillés ? Peut-être a-t’il fini par penser qu’une révolution qui ramène au rang d’un pays du tiers monde des départements développés et des territoires assis sur d’importants gisements d’hydrocarbures n’est pas si glorieuse qu’on le dit ? Peut-être les militants du monde entier venant faire la fête à Alger la Blanche n’étaient-ils que de vulgaires piques-assiette ? Algérie, qu’as-tu fait de tes talents ?
La faute de Boualem Sansal est sans doute d’exprimer ces critiques à partir de l’étranger, et qui plus est, de France. Mais s’il vivait et s’exprimait en Algérie, ne se trouverait-il pas un jour ou l’autre un « abject psychopathe » providentiel pour mettre fin à sa dissonance ? Un dernier symbole pour clore mon commentaire : je suis flatté que tant Boualem Sansal que vous même, Professeur, ayez choisi d’exprimer vos points de vue en français. Sans aucune ironie, et avec toute ma sympathie.