@rosemar
Oui, vous avez raison, et les principes de Rabelais sont évidemment tout à fait raisonnables, à condition toutefois qu’on n’aille pas jusqu’à les systématiser, comme ont pu le faire depuis une cinquantaine d’années les « pédagogues » dans l’Education nationale. L’opposition qu’on croit voir trop souvent entre la mémoire et l’intelligence est complètement fausse. Moins il y a de choses dans la mémoire, et moins la cervelle sera apte à brasser de nouvelles données. Nos collègues historiens ont cru bêtement à une pareille distinction, ont donc renoncé peu à peu à obliger l’élève à mémoriser quelques dates, le faisant travailler sur des dossiers comparatistes où telle question se trouve envisagée à des époques différentes, souvent très éloignées, et dont ils n’ont pas la moindre connaissance. C’est un peu comme si, pour enseigner la physique, au lieu de partir de Galilée, on commençait en seconde par la relativité générale et la théorie quantique. Peu avant de prendre ma retraite, expliquant un extrait de la préface de « Mademoiselle de Maupin », j’avais demandé à des élèves à bac+2 ce qui se passait en France aux alentours de 1835. Ben, c’est l’époque de Jeanne d’Arc ? Non, c’était Louis XIV ! Pas Louis XIV, non, je voulais dire Napoléon... etc.
A la fin, j’affectais de faire la plupart de mes cours sans avoir le texte à expliquer sous les yeux ; cela les impressionnait beaucoup et les induisait à une plus grande attention : ils espéraient le trou de mémoire ! Ensuite, ils acceptaient plus volontiers d’apprendre par coeur, de temps en temps, un méchant sonnet.
Comme j’y vois de moins en moins, surtout si je n’imprime pas ce que j’écris, je me rends compte souvent, après avoir appuyé sur le bouton, que j’ai laissé passer bien des fautes de frappe, mais je continue à penser, dussé-je devenir la première victime d’une pareille législation, qu’on devrait rétablir la peine de mort pour les fautes de grammaire.