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Commentaire de sasapame

sur L'extrême gauche et la fabrication de néo-versaillais


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sasapame sasapame 25 septembre 2016 09:26

« Les ravages sociaux de l’euro, une stratégie délibérée »

Stratégie qui a aussi été (et reste) celle de la gauche. Voyez plutôt :

« Ce premier bilan très sommaire du traité de Maastricht peut induire l’idée que les marges de manœuvre des États-nations s’en trouvent plutôt réduites. Mais, si tel est le cas, c’est bien le fait d’un choix politique délibéré, et non d’une injonction des marchés. Et pour les néolibéraux, le traité de Maastricht rend bien le service qu’ils en attendent : il transfère une part essentielle des instruments de la politique économique vers une BCE dont les décisions ne sont soumises à aucun débat public, à aucun contrôle parlementaire, et qui de surcroît ne peut elle-même mener d’autre politique que celle conforme à la doctrine néolibérale et aux intérêts des détenteurs de capitaux. En outre, les néolibéraux espèrent bien que la monnaie unique favorisera une harmonisation sociale et fiscale par le bas : un pays qui veut soutenir sa compétitivité ou son économie ne peut plus agir sur son taux de change ou sur les taux d’intérêt, il lui reste en revanche la possibilité de baisser les impôts, d’alléger le coût du travail et c’est précisément là ce qu’attendent les néolibéraux. Ce pari néolibéral n’est pas gagné d’avance et la gauche fait alors le pari inverse : les populations n’accepteront pas la régression sociale ; la pression exercée par la monnaie unique fera monter la revendication d’un nouvel approfondissement de l’UE, pour consolider son « pilier démocratique » et son « pilier social ». Ainsi l’euro n’a pas été imposé par une force obscure ; il est le fruit d’un double calcul politique, à droite et à gauche, calcul trop peu souvent soumis à la ratification populaire.  »

Jacques Généreux, Nous on peut ! (Seuil, 2011), p 58.

Le grand mérite de ce monsieur aura été de dévoiler, dans ce passage, à qui sait lire, la macabre dialectique des bâtisseurs d’empire de son clan.

Comment ne pas éprouver ici un sentiment semblable à celui que m’avait inspiré la lecture du livre Qu’il s’en aillent tous ! de J.-L. Mélenchon ? La position de ce dernier y tient également de la très haute-voltige, pour ne pas dire de la double-pensée… : il évoque ce même « pari européen » des responsables socialistes – quoique sans paraître assumer, lui non plus, sa part de responsabilité pour l’époque, mais la persistance de ses orientations européennes suffit pour en juger – ce qui ne l’empêche pas d’exhorter le peuple à fiche dehors tous ceux qui se sont rendus complices de l’édification de cette machine européenne ! Pour quelqu’un qui appellerait à sortir de l’UE, on pardonnerait assez volontiers. Mais là, non, je ne vois pas…

« La stratégie de sortie du traité de Lisbonne sans sortie de l’euro est une stratégie d’action immédiate pour se libérer du carcan néolibéral et pour changer le rapport de force au sein de l’UE. A moyen et long terme, cette stratégie, en elle-même, ne résout aucune des insuffisances actuelles pour assurer une union monétaire soutenable [...] La stratégie proposée ne fait sens qu’en tant qu’étape susceptible de provoquer le choc nécessaire pour briser la domination du bloc néolibéral au sein de l’Union et de forcer à la renégociation d’un traité instaurant les conditions d’une union monétaire soutenable.  » (p 130)

Comme je l’avais redémontré dans ce texte publié en juin 2012 sur Agoravox, les conditions d’une union monétaire soutenable, c’est rien moins que l’État fédéral. Ce que Généreux s’abstient toujours soigneusement de reconnaître...

... tandis qu’il écarte la « promesse illusoire d’une prochaine démocratie européenne » (p 32). Jean-Luc Mélenchon venait de prendre publiquement la même résolution dans son petit manifeste pour Qu’ils s’en aillent tous ! en se référant, lui, explicitement au « fédéralisme ».

« [...] la monnaie commune n’est pas un système conçu pour le développement d’une intégration économique et politique entre les pays membres ; il s’agit d’un système conçu pour une coopération internationale visant à équilibrer et stabiliser les échanges entre des pays strictement indépendants qui ne cherchent pas à constituer un espace politique et économique intégré. [...] Si - comme je le pense avec la plupart des pro-Européens de gauche, qui mènent la bataille contre le traité constitutionnel européen et son clone de Lisbonne -, [...], on est fondés à attendre de l’Europe mieux qu’une simple coopération inter-États, fondés à soutenir un certain degré d’intégration politique. Un grand marché intégré avec des politiques communes peut évidemment constituer un atout considérable pour mener des politiques écologiques efficaces, pour nous protéger contre les politiques commerciales agressives d’autres puissances, pour développer l’activité et l’emploi, entreprendre des grands travaux et des programmes de recherche ambitieux, etc [...]. Si tel est le projet européen, alors une monnaie unique est un pas supplémentaire vers l’intégration souhaitée, d’autant qu’elle rapproche symboliquement les peuples. [...]  Il faut donc assurément se battre pour une refondation démocratique de ces institutions [de l’UE]. Mais, en attendant le succès de ce combat, c’est seulement au niveau national qu les électeurs peuvent encore peser sur les choix politiques, et c’est la confrontation des gouvernements nationaux qui détermine le rapport de force politique au niveau de l’UE.  » (p 133-135)

Bref : votez pour nous, on va changer l’Europe...

Jacques Généreux a été le secrétaire national aux affaires économiques du Parti de gauche, et fut et reste le concepteur de la doctrine de ce parti (« Plan B », ou « quatrième voie » dans le jargon personnel de Jacques Généreux), s’agissant de sa position (hautement foireuse et trompeuse) sur l’euro, qui est peu ou prou celle qu’a tenue Tsipras avec les résultats que l’on sait. Ces orientations, présentant la même position paradoxale, étaient déjà annoncées, également, dans la résolution du Congrès constitutif du Parti de Gauche et dans le petit manifeste de Jean-Luc Mélenchon pour Qu’ils s’en aillent tous ! (Jean-Luc Mélenchon signe ici la préface).

J’ai tenu à citer amplement ce livre pour que les choses soient bien claires pour ceux qui continuent à se faire enfumer par la version trotskarde de la soi-disant opposition (c’est notamment le cas d’un Jacques Sapir, mais je pense surtout au commun des mortels et aux militants).

PS : @ Fifi, la prochaine fois que j’écris un texte appelant sans détour à sortir de l’euro et de l’UE (c’est le cas des deux seuls textes que j’ai publiés sur Agoravox), lis-le avant de prôner la même chose en commentaire tout en ajoutant que j’enfume mes lecteurs...


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