à l’auteur,
Il y a huit ans que j’ai pris ma retraite. Je ne rêve jamais, mais tous les deux ans à peu près, je fais encore ce cauchemar : il faut que j’aille à un conseil de classe, mais j’ai oublié de remplir les bulletins trimestriels. Je ne sais pas non plus ce que je vais faire en cours, et il est trop tard pour préparer un polycopié. Ces choses-là ne me sont jamais vraiment arrivées, mais doivent partie des angoisses de ce délicieux métier !
Votre texte me laisse la même impression pénible qu’au réveil ce petit cauchemar récurrent où des théories psychanalytiques auxquelles je n’ai jamais cru pourraient voir comme un retour du refoulé. Ces situations que vous décrivez si minutieusement, nous sommes nombreux à les avoir connues. J’ai enseigné douze ans dans le 93 et c’était effectivement quelque chose qui ressemblait à une descente en enfer. Rien de ne que vous écrivez ne m’étonne particulièrement. J’ai même été témoin de bien des violences physiques : fonctionnaires salement agressés emmenés par les pompiers aux urgences, élèves qui essaient de se tuer au couteau, etc.
Ce qu’il y avait quand même de plus atroce, et dont vous ne faites pas mention, c’était la férocité des « chers collègues » lorsqu’un jeune arrivant idéologiquement mal intégré se trouvait en difficulté. La section locale du syndicat majoritaire (SNES) -lequel syndicat aura puissamment aidé à la mise en place des « réformes » destinées à détruire le système d’instruction publique - se transformait aisément en tribunal sinon en exécuteur des hautes oeuvres de l’administration centrale. Les sycophantes avaient pignon sur rue, dans cet établissement, et j’avais souvent représenté ironiquement à des collègues chargés d’ enseigner l’histoire que la meilleure façon de faire comprendre ce qu’avait pu être la collaboration durant les années noires, c’eût été de faire vivre quelques temps leurs jeunes élèves dans une salle des professeurs.