Universelle ou pas universelle
Pas plus que la sphéricité de la terre, l’unicité
de l’univers n’était évidente. Comme le dit un de nos lecteurs, chaque être
humain est un univers qui voit le monde à sa manière. Je ne sais si tous les
détails de l’histoire que j’ai contée sont exacts. Est-ce que ce Pharaon a
réellement existé ? cela paraît hors de doute. Est-ce qu’il a introduit
une religion fondée sur une divinité unique ? cela paraît établi aussi.
Est-ce que cette unicité de Dieu, et par conséquent de l’univers, change la
vision du monde et les rapports entre les êtres humains ? La réponse est
également positive.
Freud a eu très tôt l’intuition d’une relation
entre Moïse et Akhenaton ? Il n’existe aucune preuve historique formelle
de cette relation. Il ne s’agit que de suppositions. Je n’entendais pas prendre
parti sur telle ou telle question religieuse. Au contraire, j’ai voulu mettre
en évidence les convergences que j’ai rencontrées en écrivant cet article.
Il est toujours bien difficile dans l’histoire de
démêler le vrai du faux. Tel n’était pas mon propos. Je voulais seulement
souligner le cheminement qui a conduit l’Europe à découvrir, en poussant la
logique du monothéisme plus loin que la limite de ses extrêmes, dans l’universel
une formulation laïque qui prend pour base une communauté permettant de rapprocher
tous les êtres humains. A cet égard, la citation de Saint Paul est lourde de
sens. Elle contient en germe l’égalité de tous les citoyens. Je suis surpris
que ce point n’ait pas été relevé. Avant qu’une religion ne reprenne ce nom, le
mot grec « catholique » signifiait déjà universel. Sur ce point, il n’y
pas de doute non plus.
Certains lecteurs insistent sur la filiation qui
existe entre les religions monothéistes. La filiation entre les religions
juives, chrétiennes et musulmanes est évidente. Toutes, avec parfois quelques
nuances, sont fondées sur l’Ancient testament. Personne ne peut nier que Jésus
Christ était juif et que Mahomet reconnaît Jésus comme messager d’Allah.
L’actualité nous montre que la religion supposée
réunir les gens les divise parfois au-delà du raisonnable. Mais d’où vient ce
parfois ? Sur de très longues périodes les religions s’entendentdans l’ensemble assez entre elles. Sur d’autres, la haine se déploie et s’exprime
sous la forme d’abominables gestes (Saint-Barthélemy). Sans doute la religion n’est-elle
qu’un prétexte pour dénoncer ce qui est perçu, parfois plus à raison qu’à torts,
comme des injustices invivables. Si tel est bien le cas, l’intelligence devrait
permettre de trouver des solutions pour inverser les tendances négatives. Et
ceci rejoint les questions fondamentales que certains autres lecteurs soulèvent
en nous proposant d’examiner ce qui se passe réellement à l’intérieur de l’Europe
– ce qui est justement mon objectif.
J’espère y revenir dans un second article.
Après la révolution de 1789, avec l’universel laïc,
la religion n’est pas niée, elle est simplement mise à part. Admettre l’existence
du fait scientifique en découle. Il existe parce qu’il est une « vérité »
observable et vérifiable par tous et qui peut éventuellement être contredite. La
force d’une civilisation qui prétend à l’universel est considérable. Elle
regarde les autres, elle se regarde elle-même, elle se remet en question en
prenant pour référence l’hypothèse qu’une vérité universelle existe en dehors d’elle.
C’est en s’appuyant sur l’excellence de cette
référence que le monde global a pu se construire, que l’économie mondiale a pu
converger vers des intérêts communs, que la tension des guerres a été diminuée.
Car il ne fait pas de doute que la situation actuelle, en particulier à l’intérieur
de l’Union européenne, serait bien pire si l’universalité n’avait pas pu
prendre l’emprise qui est aujourd’hui la sienne.
Aujourd’hui cette référence universelle semble
reculer, les anglais ont émis le souhait de quitter l’Union, des majorités se dessinent
autour de revendications similaires chez les autres peuples, les
micro-communautarismes religieux gagnent en puissance, la monnaie commune est
dénoncée… L’Europe ne répondant plus aux espérances, certains acteurs
politiques prennent appui sur ces divergences et ces mécontentements pour
alimenter leur carrière.
Est-ce la doctrine universaliste qui est mise en
cause ? Où est-ce l’Union européenne qui n’a pas su la servir ? Dans
le prochain article, je tenterais d’apporter des éléments de réponse à cette
question en tentant d’évaluer si les inflexions de l’UE par rapport à sa propre
doctrine ne constituent pas la cause fondamentale du discrédit qui la frappe. Auquel
cas des remèdes seraient possibles ?
Evidemment, m’objectera-t-on, on connaît d’avance
les réponses. On voit bien où vous voulez nous emmener. Ma réponse à ces
objections est la suivante. 1/ Je crois en effet que l’analyse ne manquera pas
de mettre en évidence l’importance des inflexions observées depuis deux
décennies. 2/ Mais je n’ai pas encore identifié toutes ces inflexions. 3/ J’ai
vécu et éprouvé beaucoup d’entre elles. C’est dans ces expériences et dans ma
perception que devrait résider l’intérêt du prochain article.