@Pomme de Reinette
Vous utilisez là le même argumentaire fallacieux brandi par les Etats-Unis pour envahir l’Afghanistan, puis l’Irak : on prétend être attaqué (ou menacé dans le second cas) et on s’autorise une « légitime défense ». Avant de frapper, encore faudrait-il réfléchir et savoir par qui (et - mais ça semble accessoire pour nos gouvernants - pourquoi) ? Si vous adhérez à une telle argumentation, vous devez alors considérer comme légitimes les guerres d’Afghanistan et d’Irak.
Mais revenons à la Syrie : la France bombarde officiellement ce pays en réaction aux attentats commis en France (gageons qu’elle avait commencé avant, mais passons), sur un principe de « légitime défense ». Mais de quels attentats parle-t-on ? Ceux de janvier 2015 ? Ou ceux, de bien plus grande ampleur, de novembre 2015 ? Or, les frappes françaises en Syrie ont commencé officiellement en septembre 2015, un peu avant en Irak (mais à la demande des autorités irakiennes, et on retombe donc dans ce pays dans le cadre de l’intervention russe en Syrie).
Par ailleurs, sur la base de cette légitime défense, il suffit de trouver un pays qui hébergerait des supposés terroristes pour s’autoriser à bombarder celui-ci. Pensez-vous donc que l’on puisse bombarder Molenbeek en Belgique (comme Zemmour l’avait d’ailleurs suggéré avec une ironie douteuse) ? On entre là dans la logique des frappes de drones américains sur des pays comme le Pakistan ou le Yemen, dangereuse dérive du droit à la « légitime défense », notion pour laquelle il est sage de se référer à l’interprétation qui peut en être faite en droit français par exemple, lequel impose :
- une attaque actuelle, réelle et injustifiée
- une riposte instantanée, nécessaire et proportionnée
Or, si réponse française face aux terroristes de janvier et novembre 2015 a été instantanée, nécessaire et - tant bien que mal face à des gens qui veulent de toute façon mourir - proportionnée, que nous autorisons nous à aller bombarder un pays « susceptible » d’abriter des personnes « susceptibles » de préparer des attentats « susceptibles » de viser la France ? Là encore, c’est la logique américaine de la guerre d’Irak et des frappes de drones, excusez-moi de trouver cela contraire au droit international. Je vous rappelle au passage que l’ONU existe encore, et que le fait de ne pas trouver d’accord sur les résolutions proposées ne doit pas autoriser n’importe quoi en terme de réponse.
Au delà du caractère légal ou non de ce type d’intervention, ce type de riposte, uniquement tactique, est de toute façon voué à l’échec. Cette « guerre contre le terrorisme » est déjà perdue, ne serait-ce que parce qu’elle dure depuis toutes ces années et qu’elle n’a fait qu’accroitre la menace. En réalité tout ceci est fort logique si on s’intéresse aux causes de ce terrorisme.
Comme l’a si bien écrit Jacques Baud récemment (p119-120 du livre cité), " l’Amérique – comme les autres pays
occidentaux qui l’imitent –
n’a pas compris qu’on se situe
déjà dans une logique asymétrique. En voulant montrer sa force,
elle a montré sa faiblesse aux yeux des islamistes :
a) en manifestant le fait qu’elle
n’était pas disposée à mettre en jeu ses combattants
(l’expérience de la Somalie est encore proche)
b) parce qu’elle n’avait pas été
capable de savoir d’où « venaient les coups » et
c) parce qu’elle n’avait pas été
capable de reconnaître son erreur
Sans parler du fait qu’en frappant de
manière aveugle des populations civiles, les Etats-Unis se plaçaient
dans la même posture que les terroristes qu’ils voulaient
combattre. "
Ce faisant, perpétuant injustices sur injustices, l’Occident encourage malheureusement toujours davantage de candidats au djihad.