CONFITEOR
Je suis un Européen ; j’allais
préciser : un Français. Cependant, après la lecture de cet
intéressant article, je sens bien que cela ne suffit guère. Il
faudrait sans doute que, conformément à la formule désormais bien
connue du Calife Abou Bakr al-Bagdadi, je dise plutôt « un de
ces SALES Français » qu’il convenait, tout le monde s’en
souvient probablement, d’exterminer par n’importe lequel des moyens
dont on pouvait disposer.
Quand j’avais lu l’injonction du
Calife, dont résultent un certain nombre de massacres, dont celui
du Bataclan, cela m’avait immédiatement rappelé les versets 4 et
suivants de la neuvième sourate, celle qui porte sur la question du
repentir. Je m’étais dit : c’est l’islam, l’islam le plus pur,
celui que devaient pratiquer les compagnons de Mahomet, ces fameux
« salaf », et j’avais trouvé que cet islam était
décidément une véritable horreur, bien propre par ses effets,
quand il est vraiment pris au sérieux, à susciter les plus grandes
craintes des koufar que nous sommes. On a tout de suite dit qu’ils
étaient « islamophobes », ces mécréants, mais quand
on voyait ce qui venait d’arriver à ceux du Bataclan ou a d’autres
qui consommaient à quelques terrasses de l’Est parisien, mon
sentiment était qu’ils n’avaient peut-être pas tort de l’être,
c’est-à-dire d’avoir peur et de prendre leurs jambes à leur cou dès
qu’ils verraient désormais un de ces soldats d’Allah muni de sa
kalachnikov.
J’avais passé une partie de mon
existence à enseigner les lettres devant des classes souvent
composées d’élèves de toutes origines, souvent lointaines,
auxquels j’avais essayé de transmettre une culture qui était me
semblait-il, quoique de langue française, susceptible d’apporter à
tous quelque chose de vraiment précieux du fait de son universalisme
même. Sans doute, en considérant l’histoire dans une perspective
critique dès la période des Lumières, plusieurs auteurs
avaient-ils beaucoup critiqué ce qui avait pu se passer dans notre
beau pays dans le courant des siècles précédents, mais je pensais
encore très naïvement que tous les peuples traînaient bien des
casseroles, et, fort stupidement - et même lâchement, je le
confesse !-, je m’en faisais une raison.
Cet article m’éclaire enfin. La France
est un véritable pays de salauds. Certes, elle n’a pas inventé le
colonialisme : les conquêtes arabes, dès leXIe siècle, sous
les Abbassides, s’étendaient de l’Espagne jusqu’aux rives de
l’Indus, et les mêmes Arabes arrivés, plus tard à Jérusalem au
temps des conquêtes d’Omar (VIIe siècle), n’avaient pas hésité un
seul instant à édifier, par haine du judaïsme, des mosquées sur
ce qui restait des ruines du second temple, mais tout cela n’était
pas grand chose, comme nous l’apprend la Nouvelle Histoire revue et
corrigée par l’UNESCO, en comparaison de cette série de crimes
atroces commis par la France au cours des âges et dont cet admirable
et courageux article dresse une liste qui achève de nous accabler.
Abou Bakr al-Baghdadi avait donc
parfaitement raison. Nous sommes bien, effectivement, ces « sales
Français » qu’il condamnait à mort, et nous méritons
amplement ce qui nous arrive. Merci à l’auteur de m’avoir si
lumineusement éclairé. Dès demain, je vais essayer de trouver une
kalachnikov, acheter plusieurs volumes des œuvres d’Alain Badiou et
d’Aimé Césaire(*) , qui achèveront de m’instruire sur la
route de Raqqa où j’espère pouvoir arriver avant qu’il ne soit trop
tard. Je ne vois aucun autre moyen d’expier la sale existence de sale
Français que j’aurai menée jusqu’à ces derniers temps. J’espère
que je ne serai pas le seul à partir. Allah akbar !
(*) Je ne puis jamais écrire le nom
d’Aimé Césaire sans être violemment ému au souvenir de notre
ancienne Garde des Sots : c’était apparemment le seul auteur
qu’elle eût jamais lu, mais quel auteur ! Je sentais bien alors
qu’il y avait là quelque chose de tout à fait sacré et précieux,
une sorte de Bible ; j’étais déjà sur le chemin de Damas,
certes, mais c’était avant l’illumination qui devait enfin, ce soir,
me faire tomber de mon ordinateur. Enfin je vois, je crois, je suis
désabusé. Allah akbar !