@Alban Dousset
Ah ben voilà on est en plein dans la
théorie de l’agence de de Milton Friedman. C’est une déformation idéologique
mais ce n’est pas du tout une réalité juridique. C’est
ce que le pole de
recherche du Collège des Bernardins appelle « la
grande déformation ». On m’a fait découvrir cette étude alors que je
vivais un litige assez intense au boulot entre les salariés et les actionnaires.
Les actionnaires détiennent des parts sociales mais elles sont abusivement
considérées comme des titres de propriété de la société, ce qui n’est pas le
cas juridiquement. Ces parts sociales leur donnent le droit de partager les
bénéfices mais pas le droit de faire ce qu’ils veulent de l’entreprise. En réalité, le langage de la propriété est inadéquat pour
penser l’entreprise, c’est par une dérive idéologique qu’on en est venu à
l’assimiler à un bien détenu par l’actionnaire. Et cette dérive a crée une
réalité économique déconnectée de la norme juridique.
La loi ne connaît que la
société, dotée de la personnalité morale. Les actionnaires sont propriétaires
de leurs actions mais pas de la société :
on peut en droit être propriétaire d’un objet mais pas d’un sujet depuis
l’abolition de l’esclavage. On ne peut posséder un homme, de même que personne
ne possède un Etat. Il en est de même des personnes morales que sont les
sociétés.
Si la société naît de la volonté de
ses créateurs, une fois instituée, elle acquiert sa pleine autonomie,
caractérisée par une personnalité morale.
Maintenant, la propriété des actions confère aux actionnaires un droit de contrôle privilégié sur l’entreprise et fait qu’ils soient
majoritaires dans les décisions stratégiques. C’est ce pouvoir actionnarial qui s’est considérablement renforcé avec la
financiarisation qui a suivit le choc pétrolier qui va donner l’illusion que
les actionnaires sont les propriétaires. Ce que fait cette recherche du Collège des Bernardins que j’ai mit en lien
plus haut, c’est déconstruire ce processus pour tenter
de jeter les bases d’une réforme en profondeur de la théorie de l’entreprise en
montrant que l’entreprise est un
collectif qui doit être pensé comme une agrégation de centres de profits.
Ce collectif s’est notamment
appuyé sur les recherches de Jean-Philippe Robé,
« l’entreprise
et le droit » (que je n’ai lu
que très partiellement, je ne me suis contenté que de la partie qui m’intéressait
lorsque moi et mes collègues étions en conflit).