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Accueil du site > Tribune Libre > L’érosion et l’évaporation du Capital #11

L’érosion et l’évaporation du Capital #11

Partons donc de la problématique dégagée lors de la précédente partie :

Quels mécanismes économiques permettraient de lutter contre le phénomène de concentration du Capital et, parallèlement, d’amener progressivement l’économie à se soumettre au Travail et à l’Entrepreneuriat ?

- L’érosion du Capital -

 

L’érosion du Capital est un dispositif économique visant à lutter contre la concentration du Capital.

L’érosion du Capital cible le dit Capital dans son usage et vise à maitriser sa concentration.

Le terme « érosion » est utilisé, car ce mécanisme cible le Capital lorsqu’il s’est « solidifié » pour s’investir dans une propriété lucrative.

 

Ici, « Capital » doit se comprendre dans son sens le plus large, c’est-à-dire les biens utilisés comme des moyens de production, des moyens lucratifs. (C’est le cas du capital d’entreprises, des locations mobilières ou immobilières…) Ainsi, dès qu’une propriété (individuelle ou collective) est utilisée à des fins lucratives, elle doit être considérée comme « Capital ».

 

Lorsqu’il est question d’érosion du Capital, il faut comprendre que cette « érosion » se fait au profit du locataire ou de la force de travail.

On peut comprendre « Érosion du Capital » comme « Érosion de la propriété lucrative au profit de la propriété d’usage ».

Ainsi, cette « Érosion du Capital » engagerait un processus de « démocratisation du capitalisme » qui adviendrait au détriment des possédants (le Capital) et au profit des locataires et des salariés (le Travail et l'Entreprenariat).

 

Prenons l’exemple d’un locataire et d’un propriétaire soumis à cette « érosion » du Capital :

Un propriétaire achète un bien immobilier pour 200 000 € et loue ce bien immobilier à 600 € par mois à un locataire.

Si l’on introduit, par exemple, une érosion du Capital de « 1 : 3 », cela conduit le locataire à obtenir 200 € de ce bien immobilier chaque mois (soit 0,1%), où encore, 2400€ de ce bien immobilier tous les ans (soit 1,2 %), cela conduit également le propriétaire à « perdre » une fraction de ce bien : 0,1% tous les mois, où encore 1,2% tous les ans. Par ailleurs, en acquérant peu à peu la valeur d’un bien, l’on acquiert proportionnellement les responsabilités qui en découlent (notamment les gros entretiens) et les rentes affiliées à ce bien (loyers).

 

Prenons l’exemple d’une entreprise soumise à cette érosion du Capital :

Un créateur d’entreprise investit 100 000 € dans une entreprise qui emploie 5 salariés et réalise un bénéfice régulier de 7,5% par an.

Certains commerçants pourraient être scandalisés où, du moins, inquiétés à l’idée que leur entreprise puisse leur « échapper » au profit de leurs salariés.

Plusieurs points doivent être précisés :

Si l’on considère que cette entreprise a été créée par un couple de commerçants qui s’est endettée de 100 000 € pour créer cette entreprise (et de ce fait endosser la majeure partie des risques). Ce couple de commerçants qui travaille dans leur entreprise doit être « compté » parmi les 5 salariés de leur entreprise. Ainsi, à la fin de l’année 5, ils possèdent 88 % + (2/5 * 12%) soit, environ, 93% de leur entreprise*. Ce calcul est réalisé en prenant l’hypothèse que ce couple d’entrepreneurs travaille « autant » que leurs employés, mais dans la réalité cela est rarement le cas. Or, si l’on distribue cette « érosion du capital » en prenant en compte le salaire et/ou les heures de travail, il est probable que cela renforcerait d’autant la part détenue par ces entrepreneurs.

Dans ce système, dès qu’un salarié cesse de l’être, la part de propriété d’entreprise qu’il avait acquise par son travail commence à s’éroder… Au profit des salariés qui continuent de travailler pour cette entreprise, c’est-à-dire au profit du Travail et de l’Entrepreneuriat, considérés juridiquement comme des salariés de l’entreprise. Évidemment, le salarié qui quitte cette entreprise a le choix de revendre directement ou de conserver les titres de propriété acquis.

 

- L’évaporation du Capital -

 

L’évaporation du Capital est un dispositif fiscal visant à lutter contre la liquidité du Capital.

L’évaporation du Capital cible le dit Capital dans ses flux et vise à maitriser sa fluidité.

Le terme « évaporation » est utilisé, car ce mécanisme cible le Capital lorsqu’il s’est « liquéfié » sous forme de « flux » pour passer d’une structure ou un acteur économique, vers une autre structure ou un autre acteur économique.

Ce concept d’évaporation du Capital est directement inspiré par la solution proposée par Yann Moulier Boutang dans son livre « L’abeille et l’économiste » dont voici un extrait :

« Comme toute l’économie est bancarisée, elle passe par des cartes de crédit ou des transactions. Il serait assez simple de frapper d’un impôt (un pourcentage très faible, de l’ordre de 0,5% à 1%) toutes les transactions (à tout moment), proportionnellement (sans progressivité).

Il y a en moyenne sept milliards de transactions à la Bourse par jour. L’imposition de toutes les transactions financière permettrait la collecte en temps réel, avec une administration sérieusement réduite, de sommes équivalentes à l’actuel budget et au budget social de la nation. […]

Évidemment, aucune transaction n’y échappe. Sauf lorsque l’on paye en liquide, mais cela est marginal. Et il y a un coefficient multiplicateur de la dépense. C’est-à-dire que, plus il y a d’intermédiaires dans une somme circulante, plus cette même somme engendre de la recette fiscale. On taxe l’intensité du réseau. On ne taxe pas les individus ; on taxe l’intensité des relations et des flux de relations. C’est le contraire de la TVA, ce qui va être payé : ce qui va être payé, c’est la création des intermédiaires et du réseau, puisque c’est le réseau qui enrichit. On fait payer le réseau, car c’est lui qui est riche et qui produit la richesse. »

Évidemment, il difficile d’anticiper dans quelle mesure cette taxe réduirait les transactions boursières journalières. Néanmoins, on peut postuler que les transactions résiduelles seraient essentiellement des investissements de moyen ou long terme. Cette taxe découragerait les investissements court-termistes ainsi que le niveau de volatilité agressive et nocive endurée par les cours boursiers

 

 

- Impacts de l’érosion et de l’évaporation du Capital -

 

L’une conséquence majeure de l’érosion et de l’évaporation du Capital sera l’orientation des investissements privés vers des perspectives de moyen et long terme :

Avec l’érosion du Capital, cela se manifestera avec l’influence des salariés, c’est-à-dire du Travail, dans la gouvernance de l’entreprise. En effet, l’exigence de rentabilité sera au moins rééquilibrée ou remplacée par l’exigence de pérennité.

Avec l’évaporation du Capital, cela se manifestera par des choix plus solides et orientés vers des perspectives plus à long terme.

 

Vu cette propriété, les propositions d’Olivier Berruyer deviendraient obsolète :

« Il pourrait ainsi être prévu comme pour le vote politique, « un âge de majorité actionnariale » : le droit de vote ne s’exercera ainsi qu’après deux ans d’ancienneté, et pourrait même être ensuite proportionnel à la durée. De même, le dividende versé pourrait être majoré de 50% pour les actionnaires de plus de deux ans, et de plus de 100% pour ceux de plus de cinq ans. Enfin, il faut imposer des statistiques précises sur l’ancienneté de l’actionnariat dans les rapports annuels. »

 

De plus, il est aisé d’imaginer les effets pervers de cette proposition obsolète :

Dans le cas d’une entreprise en phase de « naufrage économique », on imagine mal un investisseur assez fou pour y investir son capital sans avoir son mot à dire (puisque pas de droit de vote avant deux ans) sur la stratégie mise œuvre pour le redressement de cette entreprise. D’autant plus que, en toute logique, la stratégie sera décidée par les mêmes personnes qui on conduit cette entreprise en situation de « naufrage économique ». Enfin, en cas de redressement, il sera d’autant moins acceptable par les nouveaux actionnaires que les anciens actionnaires bénéficient plus de ce redressement (car leurs dividendes pourront être majorés de 50% ou 100%...) qui n’aura été permis que par l’apport des nouveaux actionnaires.

 

En réalité ce que proposent l’érosion et l’évaporation du Capital, c’est un système de transmigration permanente du système capitaliste vers le système mutualiste, c’est-à-dire une redistribution progressive (et sans cesse renouvelée) de la propriété des moyens de production depuis les propriétaires initiaux (le Capital) vers les producteurs effectifs (le Travail et l'Entrepreneuriat).

 

 

Évidemment, ces préconisations n'excluent en aucun cas d'autres mesures structurelles salvatrices.
Exemples d'autres mesures d'utilité publique :

  • L'interdiction pour une personne morale (autre que l'État) de détenir une autre personne morale. (Cette mesure simple permettrait de simplifier grandement la lutte contre la fraude/évasion fiscale et participerait à la transparence économique.)
  • Le maintien d'un impôt sur la fortune pour éviter la mise en place de corporations trop puissantes, à même de compromettre la santé démocratique du système politique.

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13 réactions à cet article    


  •  
     
     
     
    Oh... Toi Grand Sirocco, divin souffle du Bled !
    Gland remplaceur de sale titi rouge, quelle aide !
    Le surnuméraire sous payé maghrébin,
    La branlette du carnaval estudiantin,
    Les Cohn bucco-anal-phalliques narcissiques,
    Des trafics, rappeurs, dealers, mosquées islamiques !

     
     
    Papa Bouygues


    • Clocel Clocel 8 mars 2017 10:41

      Ne serait-il pas plus simple d’instaurer des monnaies fondantes ou permettre une inflation compensée ?


      • Alban Dousset Alban Dousset 9 mars 2017 18:24

        @Clocel

        Ce n’est pas mon avis.
        J’explique pourquoi dans cet article (http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/chronique-d-un-eveil-citoyen-159602) et cette vidéo (https://www.youtube.com/watch?v=Z5k3qPFGdY0)
        La monnaie se définit par trois caractéristiques : unité de compte, moyen d’échange et réserve de valeur.
        Une monnaie fondante revient à altérer gravement la fonction de réserve de valeur d’une monnaie, cela ne peut pas fonctionner au niveau économique.
        Ce qui risque de se passer, c’est que les acteurs les mieux informés (généralement les plus riches) trouveront une réserve de valeur compensatoire (puisque la monnaie ne remplit plus cette fonction).


      • Clocel Clocel 11 mars 2017 11:52

        @Alban Dousset

        L’argent est surtout un moyen de domination et une fin en soi dans l’organisation qui est la notre.

        La monnaie fondante et l’inflation compensée ont une vertu désirable, euthanasier les rentiers qui ne remettent pas leurs billes dans la production réelle de biens communs et mettre fin aux délires boulimiques des Maîtres de la finances et de leurs valets.


      • Alban Dousset Alban Dousset 11 mars 2017 14:29

        La monnaie est devenue un moyen de domination mais elle n’est pas que cela, loin de là.
        La monnaie est d’abord un outil permettant de réguler un grand nombre de nos interactions sociales. Elle est indispensable à un société (et non à une communauté), ce qui en fait un outil de domination idéal.

        De mon point de vue, la monnaie fondante est irréaliste sur le plan économique et pénalise tous les acteurs économiques, pas seulement ceux qui sont coupables « boulimie capitaliste ».


        • maQiavel maQiavel 11 mars 2017 16:21

          Le principe théorique est très intéressant, je me garde ces notions.

          Une précision quant à la conclusion « L’interdiction pour une personne morale (autre que l’État) de détenir une autre personne morale ».

          N’est ce pas déjà le cas ? Il me semble par exemple que stricto sensu, les actionnaires ne sont pas propriétaires d’une société qui est une personne morale mais de leurs actions.

          Alors, bien sur, il y’a la théorie de l’agence de Milton Friedman selon laquelle dans une économie de marché et de propriété privée, les vrais propriétaires de l’entreprise sont les actionnaires et c’est sur ce modèle qui constitue la base actuelle de fonctionnement de toutes les grandes entreprises mais c’est une déformation idéologique qui ne correspond à aucune réalité juridique. Non ?


          • Alban Dousset Alban Dousset 11 mars 2017 16:55

            @maQiavel
            Non, ce n’est pas vraiment le cas.
            Par exemple, lorsque l’on parle d’une société « mère » et d’une « filiale », c’est qu’il y a un rapport de propriété entre ces deux entreprises, des personnes morales donc.
            Dès lors qu’un « actionnaire » est une personne morale (ce qui est presque toujours le cas), nous sommes dans ce cas de figure (ce qui permet l’existence de « holding » et autres sociétés-écrans).


          • maQiavel maQiavel 11 mars 2017 17:22

            @Alban Dousset
            Mais la société mère est propriétaire des actions de la filiale, pas de la filiale elle même il me semble, non ?

            L’action est une part sociale et non une personne morale donc qu’une personne morale la détienne est tout à fait normal... 

          • Alban Dousset Alban Dousset 11 mars 2017 17:53

            En ce qui me concerne, l’action d’une entreprise est une fraction d’un droit de propriété relatif à cette entreprise.
            Ainsi, être propriétaire « d’une action d’une entreprise » et la même chose que d’être propriétaire « d’une fraction de l’entreprise ».
            Personnellement, je ne vois pas de « bonnes raisons » pour permettre à une personne morale de détenir une « part sociale », c’est à dire une fraction de la propriété d’une autre personne morale.


            • maQiavel maQiavel 11 mars 2017 19:23

              @Alban Dousset

              Ah ben voilà on est en plein dans la théorie de l’agence de de Milton Friedman. C’est une déformation idéologique mais ce n’est pas du tout une réalité juridique. C’est ce que le pole de recherche du Collège des Bernardins appelle « la grande déformation  ». On m’a fait découvrir cette étude alors que je vivais un litige assez intense au boulot entre les salariés et les actionnaires.

              Les actionnaires détiennent des parts sociales mais elles sont abusivement considérées comme des titres de propriété de la société, ce qui n’est pas le cas juridiquement. Ces parts sociales leur donnent le droit de partager les bénéfices mais pas le droit de faire ce qu’ils veulent de l’entreprise. En réalité, le langage de la propriété est inadéquat pour penser l’entreprise, c’est par une dérive idéologique qu’on en est venu à l’assimiler à un bien détenu par l’actionnaire. Et cette dérive a crée une réalité économique déconnectée de la norme juridique.

              La loi ne connaît que la société, dotée de la personnalité morale. Les actionnaires sont propriétaires de leurs actions mais pas de la société : on peut en droit être propriétaire d’un objet mais pas d’un sujet depuis l’abolition de l’esclavage. On ne peut posséder un homme, de même que personne ne possède un Etat. Il en est de même des personnes morales que sont les sociétés.

              Si la société naît de la volonté de ses créateurs, une fois instituée, elle acquiert sa pleine autonomie, caractérisée par une personnalité morale. Maintenant, la propriété des actions confère aux actionnaires un droit de contrôle privilégié sur l’entreprise et fait qu’ils soient majoritaires dans les décisions stratégiques. C’est ce pouvoir actionnarial qui s’est considérablement renforcé avec la financiarisation qui a suivit le choc pétrolier qui va donner l’illusion que les actionnaires sont les propriétaires. Ce que fait cette recherche du Collège des Bernardins que j’ai mit en lien plus haut, c’est déconstruire ce processus pour tenter de jeter les bases d’une réforme en profondeur de la théorie de l’entreprise en montrant que l’entreprise est un collectif qui doit être pensé comme une agrégation de centres de profits.

              Ce collectif s’est notamment appuyé sur les recherches de Jean-Philippe Robé, « l’entreprise et le droit » (que je n’ai lu que très partiellement, je ne me suis contenté que de la partie qui m’intéressait lorsque moi et mes collègues étions en conflit). 


            • Alban Dousset Alban Dousset 12 mars 2017 09:57

              @maQiavel
              Extrait de Wikipédia :
              « Une action est un titre de propriété délivré par une société de capitaux (par exemple une société anonyme ou une société en commandite par actions). Elle confère à son détenteur la propriété d’une partie du capital, avec les droits qui y sont associés : intervenir dans la gestion de l’entreprise et en retirer un revenu appelé dividende. »

              Je veux bien admettre que j’ai fait un raccourci néanmoins je maintiens qu’une action offre à son détenteur « la propriété d’une partie de capital ».
              Mais il s’agit d’une nuance dans mes propos, si tu le souhaites je peux reformuler ce point ainsi : « L’interdiction pour une personne morale (autre que l’État) de détenir les parts sociales d’une autre personne morale ».


            • maQiavel maQiavel 12 mars 2017 17:17

              @Alban Dousset
              La propriété d’une partie du capital oui puisque l’action fait partie du capital , là on est d’accord.


              Mais je ne comprends pas bien pourquoi tu souhaiterais qu’une personne morale ne possède pas des parts sociales d’une autre personne morale ? Tu voudrais que ce soit absolument des personnes physiques ? Quelles différences puisqu’en dernières instances , il y’a toujours au bout de la chaîne une (ou des) personne physique ? 

            • Alban Dousset Alban Dousset 12 mars 2017 18:21

              @maQiavel
              Oui, il y a toujours une (ou des) personne physique au bout de la chaîne.
              Le problème, c’est justement qu’il y ait une « chaîne ».
              L’absence de cette « chaîne » permettrait une plus grande transparence patrimoniale (propriété « réelle » des entreprises selon la nationalité des propriétaires et éventuellement d’instaurer des limitations, comme en Chine, sur la nationalité des détenteurs de capitaux) et une plus grande transparence fiscale (entreprises structurellement déficitaires pour faciliter l’évasion fiscale, manipulation des prix de transferts, montages avec sociétés écrans...)
              Bref, cela ne changera pas tout mais ramènera une bonne dose transparence économique.
              Par ailleurs, je ne vois pas de raisons solides justifiant qu’une personne morale puisse détenir (les parts sociales) d’une autres personne morale.

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