« Les capitalistes étaient inquiets de voir se répéter à la fin de la
Seconde Guerre mondiale la vague révolutionnaire qui avait secoué
l’Europe entre 1917 et 1923. En France, à part quelques personnages
secondaires, tous les représentants de la droite ont soutenu les nazis
ou le régime de Vichy. Les entreprises d’importance et tout l’appareil
d’État ont « collaboré », seul un préfet, Jean Moulin, ayant refusé de
servir. Même si tous ces gens ont commencé à jouer double jeu quand ils
se sont aperçus que la défaite nazie approchait, cela ne suffisait pas
aux résistants des milieux populaires qui aspiraient à se débarrasser
des « collaborateurs » et à mettre en place une autre société.
Ils
avaient raison ! Et l’exemple (1) de la proposition du Comité des Forges
(l’ancêtre du Medef), faite à un mouvement de résistance, de plusieurs
dizaines de millions et 500 automitrailleuses, pour qu’il fournisse
20 000 hommes acceptant de participer à la lutte préventive contre le
communisme, montrent qu’eux aussi se préparaient.
L’État remis sur pied
De
Gaulle chercha donc à contrôler les résistants organisés par le PCF en
constituant une structure d’unité nationale. Il fonde le CNR le 27 mai
1943. Il regroupe les huit mouvements de résistance, les deux centrales
syndicales (CGT et CFTC) et les six principaux partis de la IIIe
République, le PCF, la SFIO (PS), les radicaux et trois petits partis de
droite. Le programme, adopté le 15 mars 1944, validait le gouvernement
de De Gaulle, préparait la réinstallation d’un État et reprenait les
propositions socio-économiques des socialistes, soutenues par les
milieux de droite chrétiens sociaux. Le PCF l’appliqua en acceptant fin
1944 la dissolution des milices patriotiques, contre pouvoirs réels, au
motif qu’il ne faut qu’un seul État, une seule police, une seule armée,
et en combattant les grèves des mineurs : « Produire, c’est aujourd’hui
la forme la plus élevée du devoir de classe »…
Les réformes du CNR ne
sont pas spécifiques à la France, contrairement à ce que notamment le
PCF voudrait faire croire. Les mêmes nationalisations (de 20 à 25 % de
l’économie) vont être faites en Grande-Bretagne, en Autriche, et des
systèmes de sécurité sociale vont être instaurés à cette époque dans
presque toute l’Europe. Alors oui, on peut mettre en cause la pertinence
de ce modèle d’union nationale, qui a été un frein aux mobilisations
qui auraient pu remettre en cause le pouvoir des capitalistes à la fin
de la Seconde Guerre mondiale. »