Une remarque à mon tour, à la suite de Marc, sur la manière dont se déroule ce petit débat. Je suis un peu gêné par les propos de Sylvain Reboul, non pas par leur contenu, que je crois comprendre et que je respecte, mais par les jugements qui les accompagnent. Selon lui, les gens qui s’expriment à travers les « événements voyous » sont des « infras -... », Baudrillard un plaisantin et moi un « confus » ; de là à passer aux accusations d’être des « pré-nazis », il n’y a qu’un pas et il le franchit sans problème. Ca donne envie de dialoguer, et même pourquoi pas, de philosopher...
Marc pose la question de ce qu’apporte une prise de position en sociologie, (Bourdieu était « contre la domination », mais pour quoi ?). Mon attention a été attirée par cet article de Baudrillard par la double analyse qu’il fait des « événements voyous » : d’une part c’est un jeu théâtral (« un événement farce, où l’un se joue le mélodrame du pouvoir et les autres, celui de la révolte, sans que personne fasse véritablement figure d’acteurs historiques »), et d’autre part une intervention bien réelle dans la vie de nos sociétés : « A l’image des « Etats voyous », qui se soustraient à l’ordre mondial et à son emprise hégémonique, ces événements font irruption sur une scène politique complètement désinvestie et disqualifiée... Ils traduisent, au-delà du politique, une réaction, une abréaction bien plus profonde, à un ordre du monde devenu insupportable. »
De la venait l’analogie que je faisais avec l’approche psychanalytique : le rêve, (et le lapsus, l’acte manqué...) est un jeu d’images, une métaphore, et en même temps la manifestation de pulsions profondes et très puissantes.
Dans la mise en scène d’un rêve comme dans l’intersubjectivité contemporaine, « peu importent finalement les acteurs », ce qui compte c’est l’action de régulation qui est tentée.
Dans un bout d’un de mes commentaires précédents qui s’est perdu, je posais la question de savoir comment nos institutions, nos organisations, notre culture est en mesure de « faire avec » ces pulsions profondes qui se manifestent de façon métaphorique ? Ici l’approche de Touraine (et d’autres) nous incitant à sortir de nos anciens cadres d’analyse pour s’ouvrir sur une approche « culturelle » (je renvoie aux texte de Touraine quand à l’usage qu’il fait de ce mot) est vraiment une contribution « pour », et pas seulement contre.
Baudrillard et Touraine chacun à leur manière m’aident à comprendre l’étonnante histoire que nous sommes en train de vivre, et Marc aussi, rappelant que nous sommes dans un monde « fini » - c’est en nous et entre nous que passent désormais les frontières. Alors la manière de dialoguer devient une question importante.