les dépôts de Nok
« (...) Malgré l’accumulation des datations, lente il est vrai, il faudra attendre le premier colloque international de l’archéologie du Cameroun tenu à Yaoundé du 6 au 9 janvier 1986, et dont les actes viennent d’être publiés [23], pour trouver enfin la phrase suivante :
» De longues et stériles querelles ont conduit certains chercheurs à s’opposer aux résultats évidents des recherches archéologiques. La cause semble bien, aujourd’hui, entendue. Les fondeurs étaient des Noirs...« [24].
Encore l’auteur fait-il allusion, ici, surtout au cuivre.
A propos, d’une industrie microlithique du nord-est du Zaïre, le préhistorien belge F. Van Noten a écrit [25] : »L’industrie d’Ishango a été datée de 21 000 500 BP soit 19 000 Avant JC, ce qui avait paru trop vieux... Mais vu les dates obtenues à Matupi, ce résultat semble aujourd’hui moins improbable« . Voilà comment ont été écartés, systématiquement, des faits et des dates qui ne cadraient pas avec la vision qu’on a des choses. En 1984, dans leur important ouvrage »La datation du passé, la mesure du temps en archéologie« [26], R. P. Giot et L. Langouët spécifient que, contrairement à ce qu’on dit, une seule date est déjà une indication (mais qui nécessite confirmation), et que la qualité de l’échantillon, à tous points de vue, est l’élément essentiel.
Il faut souligner le fait que les dépôts de Nok ont fourni des haches en fer »encore de la forme grossière de la pierre« [27]. D’où l’appellation de civilisations »sidéro-lithiques« que W. Fagg donne à ces cultures qui passent directement de la pierre au fer et continuent de développer parallèlement ces deux industries.
D’autre part, en 1976, C.A. Diop commentait les datations de Nok de la manière suivante :
»Des figurines de Nok trouvées en place, à 12 m de profondeur avec des scories, des tuyères, ont pu être datées au 14C grâce à des brindilles de bois carbonisé associées. Les âges obtenus sont les suivants : 3500 BC, 2000 BC, 900 BC (BC = Avant JC). Ces dates sont peut-être excessives pour l’âge du fer en Afrique, mais aucun des arguments avancés pour les rejeter n’est scientifiquement valable, ou consistant. Il convient donc de les prendre en considération, sous réserve que d’autres faits viennent les confirmer ou les infirmer.
Depuis une trentaine d’années, plusieurs dates particulièrement importantes ont été acquises qui permettent de préciser très notablement l’ancienneté de la métallurgie du fer en Afrique noire. Le point de nos connaissances sur le début de l’Âge du fer en Afrique se présente comme suit :
1. Une métallurgie du fer certaine entre le 13e et le 15e siècle BC
- d’une part dans la région du massif de Termit (entre le lac Tchad et l’Aïr)
- d’autre part, à l’ouest du lac Victoria-Nyanza et sur sa rive sud.
Cette métallurgie est donc très antérieure au fer carthaginois, voire plus ancienne que le fer hittite ;
2. Des échantillons de fer doux, non météorique, datent, en Égypte, de 2600 BC environ (époque des pyramides), alors que l’on ne trouve pas de mines de fer en Égypte ;
3. Une probabilité de métallurgie du fer se situant entre 3000 et 2000 BC existe
a - dans la région du massif de Termit (Niger)
b - dans la région de Kaolack (Ndalane) au Sénégal
c - dans la région de Nok (Nigéria) ;
4. Une industrie du fer est attestée à Taruga au 9e siècle BC (région de Nok) ;
5. Vers 700-600 BC, le fer est également traité d’une part au Cameroun et au Gabon, d’autre part dans la région du Nil moyen (Nubie). Il l’est aussi près d’Agadès (bordure sud) à quelque 300 km à l’ouest du massif de Termit. Des fouilles plus approfondies sont espérées dans ces différents sites ;
6. Des réseaux d’échanges étendus existaient au 3e millénaire BC (rappelons sur ce point les quatre expéditions conduites par l’Égyptien Herkouf au 24e siècle BC) — ce qui rend possible un commerce du fer entre les différentes régions de l’Afrique. Les modes de désignation du fer sont apparentés dans les langues soudanaises et bantoues et en égyptien ancien. Le fer a pu arriver en Égypte à partir du Soudan occidental et central par l’Ennedi où une attestation ancienne de lances a été remarquée par P. HUARD (cf. ci-dessus). On ne peut donc formuler aucune conclusion sûre à cet égard actuellement. Seule la multiplication des fouilles et des datations permettra d’en savoir plus, quoique la vitesse de disparition du fer sous les climats chauds et humides empêche probablement de découvrir exactement ce qu’il en a été dans bien des cas. Cependant, les vestiges de poteries associées, de fourneaux et de tuyères, datables par la thermoluminescence, devraient fournir prochainement une nouvelle moisson de dates significatives. Il faudrait notamment dater les mines de Telenugar (Tchad) et entreprendre des investigations dans la région du Fertit (nord-est de la République Centrafricaine).
Puisse cette conclusion susciter des vocations, des mécénats et l’organisation de nouvelles campagnes de fouilles. (...) "
Ref. :
23. J.M. Essomba, L’Archéologie au Cameroun, Karthala, 1992.
24. Communication de J. Devisse, p. 27. Voir aussi, 1993, Augustin Holl, in The Archaeology of Africa, Food, Metals and Towns, T. Shaw, P. Sinclair, B. Andah and A. Okpopo, ed. Routledge, London.
25. in Histoire Générale de l’Afrique, vol. 2, p. 676.
26. Revue d’Archéométrie, Université de Rennes : GMPCA, 1984, p. 112
27. W. Fagg, Merveilles de l’art nigérien, Paris, éditions du Chêne, 1963, p. 13.