@JC_Lavau. L’un des secrets les plus honteux de l’échec sanglant de l’enseignement scientifique dans ce pays, est le mépris total des matheux envers les autres métiers, leur ignorance totale des besoins des autres, leur refus d’assimiler les bases de la coopération interprofessionnelle.
En marketing industriel, on nous a martelé : « Allez voir vos clients, tous. Vous ne soupçonnez pas quel usage vos clients font de ce que vous leur fournissez, s’ils le sous-emploient, ou s’ils doivent le suremployer. ». On prend son attaché-case, et on y va.
Même mépris envers les apports des didacticiens. A mesure qu’on s’éloigne de la 6e, les manuels de maths négligent toujours davantage de donner des définitions opérés depuis le monde concret et expérimental, et se garnissent de jeux de mots matho-matheux.
Vu par le didacticien, l’enseignement des maths est un souk dans ce pays. L’élève doit deviner les présupposés clandestins du prof, qui changent subrepticement chaque année. Certains y arrivent, les autres sont classés
débiles, et ne songent plus qu’à se venger.
Deux exemples de ce mépris :
Manuel de maths pour BEP 2e année : Vous devez traverser la rivière avec un bateau à moteur. Alors vous avez le moteur qui pousse avec une force comme chti, et le courant qui pousse avec une force comme chta. A quel point de la berge en face aboutirez-vous ?
Une force ? Cela se mesure avec un dynamomètre. Vous allez l’accrocher où ? Quel est votre protocole expérimental ? Si vous voulez mesurer « la force du courant », ah c’est curieux ! Votre bateau chavire !
Bah wi kwa ! Si c’est des bâtons flêchus, alors les vitesses c’est des forces !
A partir de la 3e, gros décrochage avec l’arrivée du calcul littéral. Oh certes, on respecte la tradition des astronomes des 18 et 19e siècles, et leurs besoins en ergonomie des gros calculs. Sauf qu’on ne leur dit jamais que ces nouvelles lettres sont des identificateurs, ni pourquoi on les réduit à une seule lettre. On ne leur dit pas non plus qu’à la fin de l’exercice, l’identificateur temporaire est relâché, et redevient utilisable pour tout autre usage, qui n’aura rien à voir.
Tout cela doit être deviné. Celui qui est devenu prof l’avait bien deviné, lui !
On ne leur dit jamais qu’un calcul algébrique littéral doit être préparé par un dictionnaire des variables, même s’il n’a qu’une seule entrée.
L’exercice « J’ai trois fois l’âge que vous aviez quand j’avais l’âge que vous avez », est quasi impossible sans commencer par poser le dictionnaire des cinq variables. Ce n’est qu’après cette étape, que l’on peut commencer à réécrire les prédicats de l’énoncé, en sorte qu’ils soient traduisibles en symboles. Il manquait une équation : la somme de nos âges actuels est 60 ans.
Etonnez-vous après ces rites absurdes, que la masse des gens soient gorgés de haine envers les instruits, et cherchent à tout instant à s’en venger. Sur Agoravox c’est manifeste.