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Commentaire de JL

sur Monnaie, monnaie ! Capitalisme ou Socialisme ?


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Francis, agnotologue JL 13 décembre 2017 15:16

La Monnaie entre violence et confiance
 
Extrait
 
« MARCHANDISE ET MONNAIE :

L’HYPOTHÈSE MIMÉTIQUE

 

/35/ L’analyse que ce livre cherche à développer part de l’hypothèse qu’il n’est d’économie marchande [de société marchande] que monétaire. Nous voulons dire par là que tout rapport marchand, même dans sa forme la plus élémentaire, suppose l’existence préalable de monnaie. Ou bien encore, d’une manière plus concise et directe, le rapport marchand est toujours un rapport monétaire.
 
C’est ce que nous appellerons dorénavant « l’hypothèse monétaire. » Dans le chapitre précédent, nous avons déjà eu l’occasion de souligner l’importance de cette hypothèse en faisant valoir a contrario les impasses auxquelles conduisent nécessairement les approches concurrentes, à savoir celles qui pensent l’échange hors de la monnaie en se fondant pour cela sur le concept de valeur.
 
Si l’hypothèse monétaire reste ultraminoritaire chez les économistes contemporains, on trouve cependant aujourd’hui d’importants économistes hétérodoxes pour la prendre au sérieux. Nous pensons tout particulièrement aux travaux de Carlo Benetti et Jean Cartelier que nous avons déjà eu l’occasion de discuter au chapitre précédent. Leur approche axiomatisée est fort élégante.
 
Considérant que la monnaie est première dans l’ordre économique conformément à l’hypothèse monétaire, et qu’il n’appartient pas à la discipline économique d’en penser la genèse, ils sont conduits fort logiquement à en faire le postulat de base de leur construction. Un tel point de vue nécessite au préalable que soit défini avec précision ce qu’on entend exactement par monnaie. Il faut en caractériser les traits essentiels. C’est ce travail d’explicitation qui les a conduits au concept de « système de paiement . » Une fois l’institution monétaire décrite convenablement, il est alors possible /36/ d’analyser la manière dont une économie monétaire [société monétaire = société marchande] se comporte. La monnaie est-elle une forme socialement efficace ? En quel sens ? En quoi les actions individuelles qu’autorise ce rapport social conduisent-elles ou non au plein emploi ? Voilà quelques-unes des innombrables questions qu’il s’agit d’étudier. Autrement dit, pour eux, nul besoin de chercher à comprendre ce qu’il y a « derrière la monnaie ». Ce n’est pas du ressort de l’économiste. La monnaie est une donnée institutionnelle de base, celle qui définit le domaine d’analyse de l’économiste. Elle n’est rien d’autre que le nom qu’on donne à la règle du jeu social que jouent les acteurs économiques. Comme l’écrit Jean Cartelier : « La monnaie ne saurait être un résultat de la théorie, puisqu’elle est une donnée initiale. »

Il nous semble cependant qu’on doit aller plus loin. On s’en est longuement expliqué dans le chapitre précédent. Identifier la monnaie à une institution dont les traits constitutifs sont fixés ex ante, a pour conséquence de rejeter hors de l’analyse toute dynamique portant sur la monnaie elle-même. Or, l’observation dément la pertinence d’un tel rejet. Dans la réalité des économies marchandes [des sociétés marchandes], la monnaie est en perpétuelle mutation et les évolutions endogènes qu’elle connaît sont un aspect fondamental de la manière dont ces économies [ces sociétés] s’adaptent et se transforment. Il convient d’analyser avec soin ces adaptations et ces transformations, faute de quoi notre compréhension de l’ordre marchand resterait parcellaire. Or, cela, l’argumentation théorique de Benetti et Cartelier se l’interdit par construction au motif que l’émergence de la monnaie n’appartient pas au domaine de l’économiste car elle renvoie à des forces sociales composites, en rien réductibles à la seule économie [c’est à dire à rien]. Notre point de vue est différent. Selon nous, on ne doit pas confondre la question de l’apparition de la monnaie au sein de sociétés qui en sont dépourvues et celle des mutations endogènes que connaissent perpétuellement les sociétés monétaires. Si la question de l’émergence historique peut à bon droit être considérée comme dépassant le cadre strict de l’économie, il en est tout autrement des évolutions endogènes que connaît la monnaie au sein des économies [sociétés] marchandes constituées. Dans cette dernière situation, il s’agit de penser la manière dont le rapport monétaire évolue spontanément pour répondre aux défis du moment. Cette évolution doit être considérée comme un élément clef de l’autorégulation de ces sociétés. Il s’ensuit que l’approche monétaire, si elle doit partir de la monnaie, ne saurait se la donner sous la forme d’une institution achevée. Aucune monnaie n’est définitivement instituée. Constamment surgissent /37/ de nouveaux prétendants qui remettent en cause sa primauté. Telle est notre thèse fondamentale.

L’ambition de ce livre étant de rendre intelligible l’institutionnalisation des monnaies comme leur dépérissement, il nous faut donc abandonner les hypothèses de Benetti et Cartelier et construire un nouveau point de départ. Cet invariant à partir duquel nous proposerons de penser la logique d’évolution des systèmes monétaires, ce sera la concurrence des monnaies. »


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