Pour moi, à cette époque, les étudiants étaient
un véritable mystère et plus généralement les intellectuels. J’ai
rapidement compris, à leur contact, que leur révolte envers les
dominants, ceux qui ont le vrai pouvoir économique, l’argent, était bien
souvent la révolte de ceux qui veulent s’émanciper de la soumission aux
capitalistes, souhaitent les remplacer, sans réellement se soucier de la condition des ouvriers
qu’ils appellent tactiquement à se battre à leurs côtés.
Leur but c’est diriger, avoir l’exclusivité du pouvoir, qu’un théoricien comme Djilas qualifiait de « jouissance suprême ».
Les
intellos soixante-huitards ayant tourné leur veste se sont rapidement
rendus compte avec la chute de l’URSS qu’ils avaient encore beaucoup de
possibilités d’ascension sociale sous le capitalisme qui n’était pas
(pour eux les « sachants ») l’ogre qu’ils pourfendaient dans leurs années
de jeunesse... Ces « dirigeants » « révolutionnaires » ont donc continué à
diriger... ce pourquoi ils se jugeaient faits depuis le berceau où ils
avaient été élevés en ce sens...
J’en veux pour preuve les cris
effarouchés des intellos en général dès que l’on aborde la question de
l’égalité salariale dans la société socialiste, égalité qui n’a
d’ailleurs jamais existé où que ce soit.... et contre laquelle ils vous
objecteront le vieux concept marxiste du « travail simple et du travail complexe »
pour justifier le maintien de l’inégalité fondamentale, même sous le
socialisme, comme ce fut le cas dans tous les pays dits du « socialisme
réel »
Ce mécanisme du dirigeant, même issu de la base est
aujourd’hui bien connu. C’est le spécialiste qui devient indispensable
plus l’organisation devient complexe. Il connait tous les rouages de
l’appareil et de plus en plus une petite coterie (qui se méfie
d’elle-même et en arrive à se combattre) dirige. L’adhérent de base lui,
souvent, ne s’intéresse que moyennement à ce qu’il se passe au sommet,
n’est pas aussi investi que ceux qui sont devenus avec le temps ses chefs. Plus le
temps passe et plus le fossé se creuse entre les dirigeants et les
dirigés...
Il se crée ainsi un intérêt en soi pour les dirigeants
qui exigent de bons salaires et de bonnes conditions de vie en général.
Pour eux la révolution est faite et ils comprennent de moins en moins
les revendications de la base et en arrivent même à les combattre
jusqu’à passer dans le camp ennemi si des conditions encore meilleures
leur sont proposées...
C’est grossièrement le chemin parcouru par ces « élites révolutionnaires » de Mai 68 qui ne doivent pas cacher la forêt de toutes celles et tous ceux qui ont gardé leurs convictions d’antan toute leur vie durant. Et qui ne se sont pas battus comme des chacals pour obtenir des postes...