Cet article manque d’objectivité , il est résolument à charge donc en déséquilibre. De plus le fondement mis en évidence et censé représenter la réfléxion athéiste est faux.
I. De la fondation religieuse de la morale à son renversement
1. La religion ne fonde pas les morales antiques
2. Le fondement moral des religions La question en revanche se pose à nouveau pour les trois grandes religions monothéistes, qui prétendent bien fonder le commandement moral sur la volonté divine. Faudra-t-il alors admettre que les préceptes moraux qui s’imposent encore à nous (y compris sous leur forme la plus indéterminée, celle d’un « ne pas faire à autrui ce qu’on ne voudrait pas qu’il nous fît ») ne sont que les restes d’anciennes croyances religieuses sécularisées ? Mais, en ce cas, comment comprendre que ces préceptes nous semblent encore respectables (même si de fait nous ne les respectons pas toujours), alors même que pour la plupart, sinon pour tous, nous ne croyons plus qu’ils ont un Dieu pour origine ? Peut-être est-ce là l’indice que nous prenons ici le problème proprement à l’envers. Se pourrait-il que, loin de fonder la morale, la religion fût au contraire fondée par elle ? Telle est du moins la thèse avancée par Nietzsche, et selon laquelle nos religions et leurs « arrière-mondes » sont en fait des créations destinées à favoriser en nous certains comportements, certains instincts, certaines valeurs. Dans les cités de type aristocratique en effet, la « vertu » n’avait rien de moral : elle était d’abord virtu au sens propre, courage au combat. Celui qui remportait la victoire était « bon », celui qui perdait était « mauvais » et comme tel réduit à l’esclavage : telle était la morale primitive, fondée sur la domination brute de la force. Lorsque les esclaves ainsi soumis se sont révoltés, ils ont selon Nietzsche pris le pouvoir à la faveur d’une inversion des valeurs : sera bon désormais celui qui précisément ne tyrannise personne, celui qui justement n’a pas fait usage de sa force. De force physique, la bonté devient pureté morale : il ne faut pas mentir, il ne faut pas soumettre autrui à soi-même, il vaut mieux subir l’injustice que la commettre, etc. Or, précisément, les grandes religions morales sont contemporaines de cette inversion des valeurs : Dieu désormais passe du côté des faibles, il promet mille morts au méchant (l’ancien maître) et sauvera l’esclave. L’idée est bien la suivante : si je suis bafoué et humilié en cette vie, alors je suis du côté des « bons ». Et le bonheur terrestre que je n’aurai pas pu goûter par la faute des méchants, Dieu me le donnera ailleurs et plus tard, comme il punira mon persécuteur de l’entièreté de ses crimes. Ainsi donc, nous dit Nietzsche, les religions monothéistes et leurs arrière-mondes sont des inventions dictées par le ressentiment, c’est-à-dire par un secret désir de se venger : elles se fondent en dernière analyse sur les morales ascétiques des anciens esclaves qui se sont emparés du pouvoir, en faisant de leur faiblesse et de leur incapacité à endurer l’âpreté de la vie autant de vertus.
II. La morale comme autonomie de la volonté
1. Retournement de la perspective : l’indépendance de la moraleLa thèse nietzschéenne est radicale, en ceci précisément qu’elle inverse l’ordre de la fondation et qu’elle rend raison par cela même de ce fait en apparence inexplicable : que des commandements formulés par les religions monothéistes puissent voir leur autorité leur survivre. On peut cependant interpréter le même phénomène d’une tout autre façon : après tout, le fait que le commandement moral nous oblige encore (nous avons tous à l’intérieur de nous la certitude que le mensonge n’est pas bon en soi, ou qu’il est mal de tuer son prochain), même lorsque nous ne croyons plus en Dieu, cela est peut-être l’indice que la morale ne se fonde pas sur la religion, et que les religions monothéistes ne font en fait qu’exprimer un commandement que chaque homme porte par-devers lui. Telle est du moins la thèse de Kant, selon laquelle la loi morale, ce « fait de raison », s’impose à tout être raisonnable par cela même qu’il est raisonnable. Or ce que la loi morale commande, ce n’est précisément pas simplement de ne pas faire à autrui ce que je ne voudrais pas qu’il me fît (cette maxime est au fond celle de l’égoïsme), mais plus rigoureusement de m’assurer de l’universelle validité de ma maxime. Une intention est moralement pure lorsqu’elle pourrait avoir sans contradiction la même universalité qu’une loi de la nature (la loi de la gravitation par exemple) : j’agis moralement en d’autres termes, lorsque ce que je veux peut être voulu par tout être raisonnable sans aucune exception.
2. Le commandement moral comme inconditionné véritableLa morale ne se fonde donc pas sur la religion, car elle ne se fonde que sur elle-même : ce n’est pas Dieu qui commande de ne pas tuer mon prochain, de ne pas le voler, de ne pas lui mentir, bref, de ne pas le traiter comme un moyen, c’est ma propre raison. Ce qui parle alors, c’est le respect pour l’humanité en moi comme en autrui. Et si la voix de la conscience qui m’interpelle et me rappelle à ma propre culpabilité peut prendre des inflexions divines, ce n’est pas parce que le commandement aurait Dieu pour origine, mais parce que l’exigence infinie dont il est porteur dépasse toute condition et tout donné. Les hommes, en quelque sorte, se sont trompés de transcendance : confrontés à la verticalité absolue de l’appel de la conscience, ils ont cru que l’origine de cet appel ne pouvait se tenir qu’au-delà du monde. Mais l’infini n’est pas dans le ciel : il est en mon propre cœur, parce que dans la loi morale, la raison m’ordonne de faire mon devoir de façon inconditionnée.
ConclusionDeux choses remplissent d’admiration le cœur de l’homme, disait Kant : le ciel étoilé au-dessus de nos têtes et la loi morale au-dedans de nous. Cherchant Dieu, les hommes ont en fait cherché l’inconditionné, la cause première elle-même causée par rien. Mais cet inconditionné, ils le cherchaient au mauvais endroit, car il parle en fait au cœur de chaque homme. Ce qui est véritablement inconditionné, c’est le commandement moral : agis de telle sorte que ta maxime puisse être érigée en loi universelle de la nature, voilà ce que la raison nous ordonne, et cet ordre n’est soumis à aucune hypothèse ou condition. Je dois faire mon devoir, quand bien même je serais le seul, quand bien même cela devrait me coûter d’humilier en moi mes désirs et mes appétits : la morale ne se fonde qu’en elle-même, parce qu’elle est une exigence absolue qui, en tant que telle, ne saurait être rapportée à rien d’autre qu’à soi.