Article précité de Bruno Guigue :
Tir aux pigeons dans le ciel de Damas
C’est fait. Le gang Washington-Paris-Londres vient de bombarder la
Syrie. Abdiquant toute pudeur, l’habituel trio expert en coups tordus a
expédié ses engins de mort sur un Etat-membre des Nations Unies. A grand
renfort de missiles, un Occident déclinant a joué les durs à distance,
se gardant bien d’affronter sur le terrain un adversaire qui lui
mettrait une bonne fessée. En attaquant l’appareil militaire syrien,
cette coalition étriquée conduite par des pantins vaniteux a cru que sa
quincaillerie de luxe lui permettrait de s’imposer. Mais c’était oublier
que la donne stratégique change à toute vitesse. En matière militaire,
il y a loin de la coupe aux lèvres, surtout lorsque l’objectif à
atteindre est fantasmatique. Expérimentée sous la présidence de Bill
Clinton, la technique des frappes chirurgicales vient de connaître un
nouvel avatar, dont il n’est pas sûr qu’il soit le plus réussi.
N’en déplaise à des dirigeants auto-satisfaits, cette
opération-éclair a brillé par sa nullité, et sa fourberie politique n’a
eu d’égale que son inanité militaire. En réalité, le bilan est proche de
zéro. Aucun résultat opérationnel, aucun impact psychologique, aucun
intérêt politique. Ce fut tout juste une pluie de pétards mouillés sur
Damas, un exercice d’entraînement grandeur nature pour la défense
anti-aérienne syrienne, un tir au pigeon où le missile occidental, ce
joujou prétentieux, a fini par jouer le rôle du pigeon. Les « beaux
missiles » de Trump ont fini en morceaux, pitoyables tas de ferraille
destinés au futur musée de l’impérialisme à Damas. Ce résultat est
d’autant plus significatif que la DCA syrienne a combattu seule
l’agresseur étranger, sans l’aide de ses alliés, même si l’appui
technique russe a sans doute joué un rôle décisif.
Même désastre sur le plan de la guerre psychologique. On ne
s’imaginait quand même pas, à Washington, Londres et Paris, que le
peuple syrien serait tétanisé par cette lâche agression. Elle a plutôt
produit l’effet inverse, car la couardise de l’adversaire, en général,
consolide le moral des troupes. Les premières images en provenance de
Damas furent celles d’une population souriante, brandissant fièrement le
drapeau national et le portrait du président Bachar Al-Assad. Les trois
pieds nickelés de la géopolitique n’impressionnent pas les Syriens. En
détruisant les trois quarts des missiles ennemis, la défense
anti-aérienne syrienne a résumé à sa façon la réponse de ce peuple
courageux à l’agresseur néo-colonial. La DCA de l’armée arabe syrienne
est comme la métaphore d’un peuple qui résiste victorieusement, depuis
2011, à une tentative de destruction multiforme.
Bien entendu, les fauteurs de guerre occidentaux ont fait tourner les
rotatives d’une propagande mensongère pour tenter de justifier leur
entreprise destructrice. Mais la supercherie a fait long feu. Il
s’agissait, dit-on, de punir le régime syrien pour l’emploi de l’arme
chimique contre les civils de la Ghouta. Mais où sont les preuves
détenues par les trois agresseurs ? On nous répond qu’elles sont
accablantes, mais qu’il est impossible de les communiquer, car elles
sont « classifiées ». Un enfant de quatre ans comprendrait le
stratagème. S’il y a des « preuves », au demeurant, on pourrait les
trouver sur place, et c’est pourquoi l’Organisation internationale pour
l’interdiction des armes chimiques a accepté l’invitation du
gouvernement syrien. Mais le jour même de l’arrivée de ces experts, le
trio occidental a bombardé Damas. Inutile de faire un dessin : quand on
accuse sans preuves un coupable désigné d’avance, on n’a pas besoin
d’enquête.
En réalité, la politique belliciste d’un Occident en mal d’hégémonie
pourrit tout ce qu’elle touche. Elle brandit les droits de l’homme, mais
c’est pour soutenir les terroristes. Elle chante les louanges du droit
international, mais c’est pour mieux l’anéantir. Elle parle de
démocratie, mais elle la viole à domicile tout en déniant aux autres
nations le droit à l’autodétermination. Quand Macron annonce qu’il va
« punir » le président syrien lors d’une conférence conjointe avec le
prince héritier d’Arabie saoudite, il se moque du peuple français. La
triplette belliciste USA/France/Grande-Bretagne est comme la grenouille
qui veut être plus grosse que le bœuf. Elle s’imagine qu’elle est le
centre du monde alors qu’elle en est l’appendice. Elle est seulement le
club de l’oligarchie occidentale, mais elle se prend pour la
« communauté internationale ». Et lorsque le monde assiste médusé à une
fanfaronnade où le criminel le dispute au grotesque, elle s’imagine
qu’elle a remporté une victoire. Cette salve de missiles sur la Syrie ne
changera rien au cours des événements. La Ghouta est libérée, et les
autres provinces le seront bientôt. La guerre à distance menée par les
ennemis de la Syrie est perdue d’avance.
Bruno Guigue
La source originale de cet article est Mondialisation.ca