La Guerre de Charlie-Wilson-Macron en Syrie ou l’ineptie en marche. Question : où emmenez-vous la France, M. le Président ?
« Partant pour la Syrie, / Le jeune et beau Dunois, / Venait prier Marie / De bénir ses exploits : / Faites, Reine immortelle, / Lui dit-il en partant, / Que j'aime la plus belle / Et sois le plus vaillant. »
« Le Beau Dunois », Hortense de Beauharnais, A. de Laborde & Davilmore, 1807-1808
« Le gouvernement déconne à pleins tubes, la moitié des fonctionnaires sont partis en pause déjeuner, les Affaires étrangères sont à peu près aussi utiles qu'une branlette, le pays est fauché comme les blés et les banquiers nous tirent notre fric avec un joli bras d'honneur . Qu'est ce qu'on est censés faire ? On va pleurer dans les jupes de Maman ou on met les mains dans le cambouis ? »
« Ma conclusion d'expert, assène-t-il, est que, en tant que grande nation, nous souffrons de pourriture managériale du sommet à la base. »
John Le Carré, Un traître à notre goût, Seuil, 2011
« These things happened. They were glorious and they changed the world... and then we fucked up the endgame. »
Charlie Wilson's War (2008)
J’invite les lecteurs à écouter très attentivement les analyses particulièrement intéressantes de l'historien et démographe Emmanuel Todd à propos du conflit syrien.
Cette analyse répond à une triple erreur politique, diplomatique et militaire qui sont les ingrédients d’une course à l’abîme menée par des gens dont la place devrait être dans un pénitencier pour une durée indéterminée.
« Il est temps pour toutes les nations civilisées de s'unir de façon urgente et de mettre fin à la guerre civile en Syrie en appuyant le processus de paix des Nations Unies à Genève », a donc eu le front de déclarer ce samedi 14 avril 2018 le ministre américain de la Défense J. Mattis, après le déclenchement dans la nuit d’une opération militaire combinée avec les États-Unis, la France et le Royaume-Uni à l’encontre de la Syrie. Le général Joe Dunford, chef d'état-major américain, a en effet précisé que les forces occidentales avaient visé samedi à 01H00 trois cibles « liées au programme d'armement chimique syrien », l'une près de Damas et les deux autres dans la région de Homs, dans le centre de la Syrie.
De Londres, la première ministre britannique Theresa May a affirmé qu'il n'y avait « pas d'alternative à l'usage de la force », assurant que « tous les recours diplomatiques » avaient été explorés, en vain.
Le communiqué officiel de la Présidence de la République restera un modèle du genre dans l’abaissement tant de la politique que de la diplomatie françaises, comme si la totale violation du droit international et des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies n’étaient pas plutôt imputables à cette sinistre trinité de pantins membres dudit Conseil de Sécurité dont ils auront délibérément trahi la mission.
A chacun de répondre à une question très simple : l'accès aux fonctions présidentielles suppose-t-il de mener une guerre une fois élu ? Qui ne voit l'ineptie ou l'inconscience de pareil comportement ? Est-ce là ce que l'on attend du Chef de l'Etat ? Qu'il précipite le pays ou l'agrège dans un conflit dans lequel il ne trouvera aucun avantage et en tout cas des désagréments plus que sérieux en perdant toute crédibilité et en important sur le terrtoire les braises tourbillonnantes d'un incendie à la recherche d'un nouveau combustible de choix à dévorer ?
Avons-nous affaire à des stratèges, des inconscients ou des criminels de guerre ?
Il est désormais à mes yeux indiscutable que les auteurs et complices de cette agression d’un État souverain devront un jour rendre compte de leurs agissements devant une cour pénale internationale, ne serait-ce que pour fournir les « preuves » des « capacités du régime syrien permettant la production et l'emploi d'armes chimiques », preuves auxquelles le Parlement, s’il lui reste encore un peu d’indépendance politique, serait déjà très inspiré de s’intéresser à l’occasion du débat parlementaire qui sera organisé conformément à l’article 35, alinéa 2, de la Constitution, consécutif à la décision d’intervention de nos forces armées à l'étranger.
Est-il besoin de rappeler que la Russie, soutien indéfectible du régime de Damas, a vivement réagi par la voix de son ambassadeur aux États-Unis, S.E Anatoli Antonov. lequel a déclaré : « Nos mises en garde n'ont pas été entendues », la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, ajoutant pour sa part qu’un « coup a été porté contre la capitale d'un État souverain qui a tenté pendant de nombreuses années de survivre au milieu d'une agression terroriste », « les frappes occidentales contre la Syrie intervenant « au moment où elle avait une chance d'avoir un avenir pacifique ».
Nul doute qu’elle faisait allusion au fait que les forces gouvernementales syriennes soutenues par la Russie ont repris ces derniers mois une grande partie des territoires qui étaient tenus par les groupes rebelles.
Car la cruelle et implacable vérité est bien là, que les « dirigeants » occidentaux se refusent à admettre comme une évidence : celle de leur totale défaite, la leur et celle de leurs pseudo alliés face aux Russes et aux Iraniens qui ont la supériorité militaire, stratégique et politique avec beaucoup d'hommes sur le terrain pour aider Damas à reprendre tout le pays à de multiples groupes rebelles ingérables et dont l’avenir politique est réduit à un échec consommé.
La Russie, indéfectible soutien au régime de Bachar el-Assad, a fait usage à douze reprises de son veto en sept ans de conflit sur des projets de résolution au Conseil de sécurité contre la Syrie. Deux axes existent désormais : Washington, Tel-Aviv, Ryadh pour le premier, et Moscou, Damas, Téhéran pour le second. Ce sont là deux mécanismes aux engrenages redoutables dans lesquels le Royaume-Uni et la France réduits à celui de supplétifs conduisant une guerre de capitaines tenus en laisse par un suzerain qui les sacrifiera lorsqu’ils seront devenus inutiles, risquent fort de se broyer les doigts avant d’en devenir les lubrifiants, à la différence de l’Italie et de l’Allemagne qui auront su ne pas ajouter le danger d’importer un conflit armé dans leurs territoires déjà minés par un ennemi intérieur.
Il faut écouter et lire très attentivement les déclarations de MM. S. Lavrov et V. Poutine, véritables traités de diplomatie, de géopolitique, de stratégie et de tactique dont nous allons très vite ressentir les conséquences et les effets par un coup de sifflet qui nous avertira de notre mise hors-jeu et notre éjection du terrain.
T.May, D.Trump et E.Macron ignorent une donnée fondamentale qui tient au fait que les Russes sont les inventeurs d’un concept dans lequel ils excellent : celui de « l’art opératif », dans sa double dimension, militaire et diplomatique.
Les esprits chagrins qui tenteront de se défausser en excipant de l’efficacité des « sanctions économiques » prises contre la Russie (Rusal, Nord Stream 2 etc.) risquent fort, là encore, de découvrir prochainement la montée en puissance du Bloc eurasiatique.
Nous avions en tant que France et UE une occasion exceptionnelle d’œuvrer à la reconstruction tant économique que politique d’un pays et d’une région meurtris par une folie autant religieuse que politique et économique sur fond de guerre du gaz et du pétrole.
Nous avons choisi les « mauvais alliés » et nous sommes acoquinés et compromis avec des perdants radicaux dont les intérêts nous sont fondamentalement étrangers et qui risquent fort de nous engloutir dans leur naufrage bientôt irrémédiablement consommé.
La guerre de Syrie n'est pas terminée. Elle va bientôt se déplacer et changer de théâtre d'opérations.
En ce qui concerne la France il est probable qu’elle sera, fort heureusement, le tombeau politique de notre beau Dunois qui n’a manifestement pas compris et encore moins saisi les enjeux géopolitiques, géoéconomiques, géofinanciers, géostratégiques d’un monde dont il vient de nous prouver de manière éclatante son ignorance et ce par manque de culture, de recul historique, de maturité et d’expérience sur le terrain.
"On change le monde, ensuite on fiche le camp et on fout en l'air la fin de partie", déclare Tom Hanks-Charlie-Wilson dans le film de Mike Nichols intitulé Charlie Wilson’s War (2008). Ce n’est pas exactement ce que l’on attend d’un Chef d’État.
Je vais très exactement vous dire ce que je ferais si j'étais le dirigeant d'un pays injustement agressé par une coalition internationale dans laquelle figurent désormais deux nouveaux venus agissant comme des voyous. Je leur montrerais la puissance et les capacités de nuisance de mes services secrets qui, à la différence de la population bêlante en marche derrière son berger, savent ce que veut dire se battre et n'ont aucun état d'âme pour répliquer.
La France est en guerre, Monsieur le Président, par votre faute. Une guerre que vous avez déjà perdue et dont vous devrez rendre compte lorsque le premier avion ne sera pas rentré ou lorsque le prochain attentat sera commis contre les intérêts de notre pays, à moins que vous n’ayez - sait-on jamais -, la présence d’esprit de débattre honnêtement et cartes sur tables avec vos compatriotes et concitoyens d’un enjeu majeur qui les concerne au premier chef et qui se résume à une question très simple à laquelle vous comme nous, allons devoir répondre, avec ou sans vous : « Où emmenez-vous la France ? »
Sources et références :
John Le Carré, Un traître à notre goût, Seuil, 2011
Partant pour la Syrie
https://vimeo.com/1737097, interprétation musicale par Paula Bär-Giese, soprano & pianiste.
« Nous aurons des décisions à prendre en temps voulu, quand nous le jugerons utile et le plus efficace »
Th. Meyssan, Quatre jours pour déclarer une Guerre froide
https://www.voltairenet.org/article200226.html
https://francais.rt.com/france/49790-frappes-occidentales-syrie-classe-politique-france
https://sputniknews.com/analysis/201804111063455868-trump-us-syria/
https://www.amazon.com/State-Secrets-Insiders-Chronicle-Chemical/dp/1432725661
https://theduran.com/6-simple-reasons-why-trump-is-going-to-war-in-syria/
http://www.thegatewaypundit.com/2018/04/fox-news-announcement-on-u-s-action-in-syria-is-imminent/
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