J’ai fait mon
service militaire à une époque où les seules dérogations étaient
liées à l’état de santé ou physique.
Nous étions réunis
dans de grandes chambrées où se coudoyaient enfants de la
bourgeoisie et gueux des campagnes. Certains de mes compagnons
avaient de beaux diplômes et d’autres étaient illettrés voire
analphabètes.
Si, à l’époque,
j’avais l’impression de perdre mon temps ( j’ai fait un an de
service dont 8 en Allemagne ) dans de fastidieux exercices
répétitifs, j’ai révisé mon jugement avec le temps.
Ce passage m’a
permis de rencontrer des gens issus de toutes les régions du pays et
de toutes les extractions sociales. Ceux qui étaient issus de
famille aisées ne se montaient pas la tête et les gagne-petit ne se
sentaient pas mis sur le côté. Chacun faisait sa part des corvées
qu’il n’était de toute manière pas possible de sous-traiter,
les « juteux » étant très stricts en la matière et
vérifiaient si l’exécutant était bien celui qui avait été
désigné par le rôle.
Ce brassage à l’époque plus social
qu’ethnique a permis le développement harmonieux des solidarités,
que ces dernières aient été oubliées dès après la quille est
dans l’ordre des choses. La dispersion sociale est une réalité
mais au moins pendant 12 mois tout le monde avait été sur un pied
d’égalité et des amitiés se sont quand même nouées.
Aujourd’hui la
France est malade de ces groupes ou communautés qui ne se
fréquentent plus et qui n’ont même plus envie de se connaître.
Le lien social qui avait pendant un an réuni des gens si différents
de culture et de moyens a immanquablement laissé des traces :
je connais fort peu de personnes de mon âge qui ne regrettent pas
cette expérience.
On a préféré
envoyer au chômage sans grande chance d’en sortir des classes
entières plutôt que de leur faire acquérir la moindre utilité
sociale par des formations que dispensait avec un certain bonheur
l’armée en tout cas si l’on compare les résultats d’antan
avec ceux proprement insuffisants des multiples organismes chargés
de la formation.
C’est vrai aussi
qu’un mois, c’est peu, c’est même symbolique. La France qui
parvient à allouer des crédits quais illimités à l’armement
destructif ne trouve pas un centime pour rétablir un service digne
de ce nom ce qui pourrait être la solution à la fragmentation de la
société qui, si l’on n’y prend garde, détruira le pays.
Mais oui,
j’oubliais, ce n’est pas rentable de rendre à sa nation la
cohésion qu’elle perd, c’est peut-être même contre-productif.