@Hervé Hum
Déjà, pardonnez-moi, je n’avais pas compris que vous repreniez les termes du commentaire précédent (j’avoue être une bouse en ce qui concerne les infrastructures d’internet, et m’y prendre souvent comme un empoté). L’écrit, aussi, ne donne pas le ton des remarques.
J’ai également regardé vos commentaires sur l’article précédent, que je n’avais pas vues.
En fait, nous sommes d’accord globalement. Vous êtes moins dans l’objection que dans la remarque, ou l’alternative méthodologique.
Quelques remarques, mais pas vraiment d’objection à ce que vous dîtes.
Avant tout, vous dîtes (en commentaire de l’article précédent) que le profit est un impôt prélevé sur l’activité commune. C’est exactement le propos de mon développement critique sur la notion de travail et de mérite. Nous sommes d’accord, et je trouve cela tragique que la chose ne soit pas admise par tous. La moindre occurrence de ce fait me rassure toujours. Merci de l’avoir dit à nouveau.
Ensuite, sur la dialectique structurelle des droits et des devoirs, vos remarques sont simplement imparables. C’est de la métaphysique (c’est toujours noble la métaphysique...), effectivement, de la logique pure.
Simplement, à mon sens, cela porte sur la question plus générale du droit que sur l’idéologie libertarienne en particulier. Un libertarien dira que le droit à la propriété correspond au devoir des autres de respecter ce droit, mais donc du coup, puisque eux aussi ont ce droit, il correspond également au devoir pour lui-même de respecter la propriété des autres. (c’est un peu une sauce anglo-empiriste à l’hégélianisme primaire).
Autrement dit, la dialectique structurelle (essentielle même, pouvons-nous dire) du droit et du devoir n’entache pas la cohérence a priori de la pensée libertarienne. Au contraire, et j’en parlerai dans mon article sur l’individualisme, c’est par ce type de dialectique que les libertariens parviennent à cette assertion odieuse : ma liberté s’arrête où commence celle d’autrui (qui n’est que très peu recevable comme idée, et que l’on peut balayer par une phrase tout aussi consensuelle : deux têtes valent mieux qu’une).
C’est pourquoi il m’a semblé plus judicieux de m’en remettre aux incohérences propres de la théorie elle-même en m’attaquant à la praxéologie et à son rôle dans la normativité libertarienne.
Ce qui nous amène à la question de l’idéologie. Je ne suis pas sûr d’avoir compris le sens de vos remarques (dès qu’on rentre dans la métaphysique, on est toujours obligé de détailler pendant des pages entières).
Il me semble que vous expliquez qu’une idéologie étant fondée principalement sur un but, une finalité, il faut se concentrer uniquement sur ce point pour la comprendre et la critiquer. En extrapolant, je donnerai cette description : tous les éléments de la théorie libertarienne doivent être analysés à la lumière de leur véritable volonté. Vous argumentez en ce sens en disant que seul le principe est vraiment et entièrement issu de l’esprit (et la volonté) humaine, et que les moyens sont contingents à l’histoire.
Votre remarque est un peu radicale. Globalement, la distinction est recevable (le nier serait de mauvaise foi), mais cela reste à nuancer. Si la construction idéologique n’a d’autre limite que la cohérence que l’on y souhaite, on a tout de même parfois aussi le choix des moyens, ne serait-ce que sous forme d’alternative. De même, une idéologie n’est pas tant le fruit de la volonté pure, mais est une construction historique, émergée d’un contexte précis, écrits par des auteurs avec des parcours révélateurs, etc. Et au bout du compte, on peut dire que le théorique est limité par les contraintes de pensées, psychologiques si on veut, et le pratique par les contraintes matérielles.
Il me semble qu’une analyse d’idéologie doit commencer par l’analyse du contexte historique et la définition des mots, des principes, et des liens entre chacune de ses points. C’est entre l’histoire et le théorique que se dégagent les questions essentielles, et que sont écartées les fausses questions, et à partir des bonnes questions qu’émergent les incohérences.
Enfin, je voulais faire une remarque sur ce que vous dîtes à propos de l’espace. Grosso modo, vous dîtes que capitaliser à partir de l’espace n’a aucun intérêt, ce qui importe c’est le temps de vie, et vous le rattachez à une critique des libertariens.
Vous tranchez fort vite, alors que le débat temps et espace est un puits sans fond plusieurs fois millénaires.
Mais...
Pour ma part, je suis de votre côté (Bergson m’a fait basculer il y a environ quinze ans), et je pense que dans le contexte précis de la pensée libertarienne, il semble qu’il y ait une escroquerie à vouloir prétendre la primauté de l’espace sur celle du temps, alors que de façon cachée, c’est bel et bien le temps qui est volé aux gens. Il y a là une étude de trente pages à faire là dessus.
Merci, en tout cas, pour le temps consacré à votre lecture et à votre réponse