@mmbbb
’’Les noms propres n’ont pas d’orthographe’’ est un bobard qui permet aux incultes, ou aux feignasses qui ne veulent pas faire de recherche, de se dédouaner à peu de frais de leur erreur, mais cette règle n’existe pas.
Les noms propres ont l’orthographe la plus rigide qui soit car ils ne peuvent en avoir qu’une, contrairement à certains mots de la langue française qui peuvent avoir 2 orthographes comme :
Clé/clef
Granit/granite
Saoul/soûl
Pic vert/pivert
etc ...
’’Rien n’est plus difficile à combattre qu’une idée reçue. Surtout quand
nous la devons à l’institution scolaire. De cette période on oublie les
neuf dixièmes, mais ce que l’on retient, c’est à vie : on n’en démordra
plus !
Ainsi, on a longtemps pensé qu’il était criminel d’accentuer les capitales. Qu’après sans, on ne pouvait rencontrer qu’un singulier. Ou encore qu’un participe passé conjugué avec l’auxiliaire être
s’accordait forcément avec son sujet. Tout cela est faux, bien sûr.
Mais allez donc déboucher les oreilles de qui ne veut point entendre !
Surtout, on avait cru comprendre qu’il ne saurait y avoir de fautes sur
les noms propres. On parle là de la vraie vie, bien sûr, pas de celle
des adeptes de la dictée de compétition, lesquels ont intérêt à savoir
écrire Khrouchtchev, Massachusetts et mer Tyrrhénienne.
L’eussent-ils oublié que Bernard Pivot se serait chargé de le leur
rappeler ! Mais allez exiger des autres, les gens normaux, qu’ils
mémorisent des graphies qui, plus encore que celles des noms communs si
c’est possible, paient un lourd tribut à l’arbitraire : pourquoi Clemenceau et Trenet sans accent ? Laennec et Eugène Sue sans tréma ? Lyautey et Hallyday avec deux « y » ?
La réponse, l’actualité vient de nous la fournir avec cette plaque
commémorative qui écorchait le nom de l’un de ceux que l’on prétendait
honorer. Mme Wolinski n’a pas aimé et, franchement, je ne puis que lui
donner raison. Respecter quelqu’un, n’est-ce pas commencer par respecter
son patronyme ? S’il est connu, c’est un devoir, qui ressortit alors à
la culture au moins autant qu’à l’orthographe. Mais s’il ne l’est pas,
c’en est un aussi.
Dans le cas qui nous occupe, comment croire aux belles paroles
officielles sur le rôle éminent qu’a joué votre conjoint, sur
l’empreinte ineffaçable qui aura été la sienne sur les générations à
venir, dès lors que celle d’aujourd’hui ne se montre pas même capable
d’écrire son nom ? La main qui a gravé ne pouvait-elle pas interroger le
dictionnaire ? L’œil qui a supervisé devait-il attendre que la plaque
fût dévoilée pour s’aviser de l’impair ?
Alors oui, il y a bel et bien faute sur les noms propres.
Peut-être même ce terme, lequel indispose ceux qui, non sans raison,
contestent à l’orthographe toute dimension morale, n’a-t-il jamais été
plus fondé qu’avec eux !’’
Bruno Dewaele