Aux Lecteurs Suite d’ l’article d’Alexandre Del Valle
De Booba à Médine
Récemment, on a beaucoup parlé dans les
médias et les tribunaux des deux chanteurs rap ennemis, Kaaris et Booba,
qui ont prouvé par la rixe entre leurs deux « clans » respectifs
survenue en septembre dernier en plein aéroport, que leurs appels à la
haine « artistiques » ne sont pas seulement allégoriques mais
correspondent bien à un état d’esprit néo-barbare. Pour ce qui est de
Booba, le plus riche et célèbre des deux rappeurs, il dénonce le racisme
occidental et français, mais il fait l’éloge du terroriste
franco-algérien Mohamed Merah (dont son propre frère aîné a reconnu
qu’il a été élevé dans le double racisme obsessionnel envers les juifs
et les Français « de souche »). Ainsi Dans une de ses chansons (« Porsche
Panamera »), Booba crée un pont entre le rap afro et le rapislamiste
pro-terroriste puisqu’il y présente Mohamed Mérah comme un homme qui
poursuit une « cause » et qui est donc béni par Dieu pour sa violence : «
On canarde tout pour une cause, Mohamed Merah », «
Allah y rahmo Dieu ait son âme car seul le crime paie », « Bang Bang dans vos têtes, on vous rafale on a l’seum comme Merah »…
On se rappelle aussi des paroles du
groupe Sexion d’Assaut qui appelle dans un de ses clips les jeunes à
mutiler et à massacrer les homosexuels de cette façon plus qu’explicite
et qui peut autant plaire à des esprits néo-barbares « orange mécanique »
qu’à des jihadistes authentiques : «
Je crois qu’il est grand temps que les pédés périssent, coupe-leur le pénis, laisse-les morts sur le périph »…
Enfin, il est intéressant aussi de
revenir sur Médine, le rappeur dont le nom renvoie à la ville d’Arabie
(Yatrib, Médine, l’un des 2 lieux sacrés de l’islam), où Mahomet devint
un chef politique et guerrier polygame par opposition à La Mecque où il
avait été un chef spirituel pacifique monogame). Ici, on a affaire à un
style de « rapislamisme » encore plus idéologiquement pensé que les
groupes précédents, dont l’islamisme était plus identitaire et
constituait un support comme un autre d’une révolte haineuse.Avec
Médine, qui a fait plus de 620 000 vues avec son album « Don’t Laïk », on
est loin du nihilisme ou d’un simple esprit néo-tribal ayant comme
vernis l’islam, car il s’agit là d’un authentique militant islamiste
engagé dont le discours vindicatif et prosélyte s’apparente à celui des
Frères musulmans plus qu’aux
blacks muslims d’outre-Atlantique.
Le message de Médine, qui poussa l’indécence jusqu’à prévoir des
concerts de rapislamisme au Bataclan malgré la protestation des familles
des victimes des attentats et de l’avocat Philippe de Veulle, mérite
d’être écouté : La France, la Marianne, la République laïque et nos
sociétés libérales sécularisées occidentales y sont conspués.
L’islamisation est présentée comme la seule voie expiatoire possible
pour cette entité « mécréante » intrinsèquement coupable. Se définissant
lui-même comme « islamo-racaille », le groupe de Médine qualifie la
laïcité française d’« islamophobe », « diabolique », accusée de «
comploter » contre l’Islam et de « persécuter les musulmans », or cette
rhétorique victimaire et complotiste est au cœur du processus de
mobilisation tant des islamistes « coupeurs de langues » (Frères
musulmans, lobbies islamistes institutionnels) que « coupeurs de têtes »
(jihadistes). Présenté béatement par les médias comme un « chanteur
cultivé », « pacifique » , qui ne critiquerait la France et la
République que par « dérision » et « allégorie », Médine a déclaré sans
complexe à la Maison des Jeunes et de la Culture de Gennevilliers que la
République est « coupable » notamment pour avoir empêché Dieudonné et
la suprémaciste noir anti-juif Kémi Séba de donner leurs spectacles...
Dans son tube « Don’t laïk » (« non laïque »), Médine avait même osé
chanter, juste après la tragédie de
Charlie Hebdo en janvier
2015, sans aucun égard pour les familles des victimes des terroristes
jihadistes : « Crucifions les laïcards comme à Golgotha », «
si j’applique la charia les voleurs pourront plus faire de main courante », «
Marianne est une femen tatouée « Fuck God » sur les mamelles », «
J’mets des fatwas sur la tête des cons »,
etc. Ces vocables sont tous sauf innocents, car dans la lecture
totalitaire de la charià propre aux jihadistes de Daech ou même des
wahhabites saoudiens, « crucifier » ne renvoie pas au supplice du
Christ, mais à une peine légale qui vise les « apostats », à qui l’on
coupe la tête et dont le corps pourrit sur une place publique accroché à
un poteau... De la même manière, le terme charià, explicitement employé
positivement par Médine face aux ennemis de l’islam dits « laïcards »,
est sans équivoque. Il ne peut pas être présenté comme humoristique ou
satirique, mais bien comme punitif. Comme Nick Conrad, qui affirme
qu’appeler à «
tuer des bébés blancs » est une «
façon inversée d’attirer l’attention sur le racisme anti-noir »,
Médine a le culot d’affirmer que ses appels à massacrer les « laïcards »
participeraient de la démarche du « pamphlet artistique » destiné à
critiquer les djihadistes. L’affirmation n’est pas crédible car il est
contredit par son engagement officiel au sein la mouvance islamiste et
communautariste qui inspire presque tous ses textes. D’ailleurs, il
témoigne de la même ambiguïté lorsqu’il se fait photographier fièrement
(et avec un regard tout sauf humoristique et satirique) avec un t-shirt
« Jihad » du nom de son tube.
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